par clémence bideaux
On distingue une succession de trois grandes époques du féminisme appelées vagues. Chaque nouvelle vague apporte des modifications, des approfondissements, une réappropriation des héritages des époques précédentes. Les deux premières vagues se situent principalement en Occident, alors que la troisième s’ouvre quant à elle davantage sur le monde. C’est à cette dernière vague que traite ce texte.
Tout d’abord, la première vague s’inscrit dans une période allant de 1800 au début des années 1900. Ce féminisme de la première vague était égalitariste : les femmes manifestaient pour la reconnaissance de leurs droits, plus particulièrement le droit de vote (on pense notamment aux fameuses suffragettes).
La deuxième vague, quant à elle, s’inscrit approximativement entre 1960 et 1970. Cette vague est marquée par la lutte pour le droit à la contraception, à l’avortement et la condamnation de la violence conjugale. Le radicalisme de cette vague influence grandement la perception du féminisme à l’heure actuelle. On oublie souvent, à tort, de distinguer les diverses vagues, provoquant des amalgames entre ces dernières et attribuant le radicalisme de la seconde vague à la troisième.
La troisième vague du féminisme, en regard des autres vagues, se veut notamment moins blanche, moins bourgeoise et moins occidentale. Plus inclusive, elle délaisse l’universalisme des vagues précédentes : tout ne s’applique pas à tout le monde de la même façon. La troisième vague poursuit donc la défense des droits des femmes, mais y intègre des minorités auparavant délaissée par ce combat. Les personnes invalides, les personnes au foyer, les personnes racisées, les travailleurs et travailleuses du sexe et les membres de la communauté LGBTQ+, etc. sont désormais inclus-e-s dans la lutte.
En ce sens, le féminisme de la troisième vague se décline en nombreux mouvements. On compte parmi eux l’afro féminisme, qui se préoccupe de la place des femmes afro-descendantes au sein de la société, en dénonçant les oppressions qu’elles subissent non seulement en tant que femme, mais également en tant que personne racisée.
La notion de privilège est également au centre du féminisme actuel. Cette notion questionne les avantages que chacun possède et qui influencent notre vie (toujours dans une vision non universalisante). Par exemple, le fait d’être une femme n’est pas un privilège, puisque nous vivons au sein d’une société patriarcale, mais posséder une bonne situation économique et être valide (i.e. de ne pas être handicapé) en sont. En ce sens, on peut posséder certains privilèges et d’autres non, l’important étant de reconnaître ceux que nous possédons afin d’avoir une meilleure connaissance de notre situation.
Dans cette perspective, le féminisme actuel prend en compte la situation géopolitique et socioéconomique de la personne. Chaque pays, province, région a sa propre histoire, et chaque personne évolue dans un contexte et selon des conditions qui lui sont propres. Ainsi, le fait de vivre dans un pays occidental est considéré comme un privilège. C’est pour cette raison qu’un même acte ne pourra pas être comparé et analysé de la même façon selon sa provenance. Par exemple, en Arabie Saoudite, les femmes auront le droit de conduire à partir de juin 2018. Du point de vue occidental, cela peut nous sembler insignifiant. La conduite est acquise depuis quelque temps déjà. De plus, nous gardons plutôt en tête la tutelle de ces femmes par leur père, frère ou époux, et c’est comparativement à cela, que le droit de conduire peut nous sembler une avancée moindre. Pourtant, c’est un pas en avant vers l’émancipation.
LÉGENDE : Au Nicaragua, des femmes militent pour le droit à l’avortement.
Il serait également impertinent d’imposer à une femme d’Arabie Saoudite de poser des actes possibles en Occident, ni la juger de ne pas pouvoir le faire, car encore une fois, le contexte est à prendre en compte, et un même geste peut avoir des conséquences tout à fait différentes selon la situation dans laquelle il est exécuté. Par exemple, une femme musulmane vivant au Québec pourrait sortir sans son hijab en toute impunité si elle le désirait, ce qui ne serait pas le cas en Arabie Saoudite. Autre exemple, une femme, au Québec, peut avorter. Le choix lui appartient. Elle est libre de le faire ou non. Au contraire, une femme vivant au Salvador ne détient pas cette liberté puisque c’est un acte illégal. Les conséquences d’un avortement ne seront donc pas les mêmes et elles ne disposent donc pas de la même capacité de choisir. Bref, il ne s’agit pas de hiérarchiser les avancées du féminisme, ni même de comparer ou de juger les actes posés, mais de considérer que le contexte possède une place déterminante au sein du féminisme.
Pour conclure, on peut dire que le féminisme actuel, celui de la troisième vague, se place sous le signe de l’inclusion et est souvent confondu à tort avec le féminisme de la deuxième vague, plus radical et moins inclusif. Cet amalgame dessert souvent le féminisme, mal représenté dans la sphère médiatique et souvent décrié sur les réseaux sociaux. La lutte est pourtant bel et bien d’actualité, bien qu’il y ait eu des progrès concernant la condition et les droits des femmes. Il est important de ne pas se reposer sur ces acquis et conserver un regard critique envers notre société.