par marika fortin-turmel
Entre envie et responsabilité
L’arrivée massive des nouveaux médias d’information depuis bientôt plus d’une décennie façonne directement le rapport des individus au monde extérieur. Ces moyens de communication renforcent donc les courants sociaux déjà en place, en les faisant voyager à vitesse grand V par la toile. La peur de ne rien manquer (syndrome Fear of Missing Out) qui se remarque de plus en plus chez les jeunes de 18 à 34 ans, les « milléniaux », se traduit non seulement par la consommation accentuée de vêtements à la mode, de biens technologiques et de produits culturels, mais également par la compulsion de l’évasion et du voyage. La mondialisation ayant abaissé la plupart des frontières, notre génération se trouve libre de vagabonder au gré de ses envies, mais surtout selon les tendances du moment. Écotourisme, volontourisme, tourisme responsable, tourisme solidaire, voyage culturel, wwoofing, croisière : il est souvent difficile de s’y retrouver dans la panoplie de possibilités que publicité et compagnies nous offre. Trop souvent sans se poser de questions, on adhère à ce qui nous plaît spontanément (autre caractéristique de notre ère), car nous ne vivons qu’une seule fois (yolo : you only live once ou le carpe diem de notre époque). Mais qu’en est-il de l’envers de ces annonces publicitaires et des conséquences des choix impulsifs de jeunes exaltés par l’évasion? Outre le plaisir éphémère que nous en retirons et les vidéos souvenirs que nous publions sur les réseaux sociaux pour exhiber notre existence comblée, quelles traces laissons-nous après notre passage dans ces pays, tous plus exotiques les uns que les autres? Voilà une question qui est bien souvent escamotée de l’équation du voyage, alors qu’elle devrait constituée notre principal facteur de décision dans le choix de la destination. De prime abord, l’utilisation d’un moyen de transport comme l’avion représente une bonne dose de pollution, si on ne compense pas pour notre empreinte écologique. Pourtant, il s’agit du moyen de transport privilégié des voyageurs les plus aguerris et d’un acquis sous-entendu pour nous, jeunes des temps modernes. Mais par-dessus tout, le choix du type de tourisme peut grandement affecter les populations locales, autant sur le plan économique, social que culturel. Faire du bénévolat en Thaïlande dans un orphelinat, construire une école au Malawi ou même passer ses vacances dans un tout-inclus ne contribuent, la grande majorité du temps, qu’à engraisser le butin de cette industrie qui voit la misère humaine comme une autre devise de la bourse. En stigmatisant le visage de la pauvreté par cette funeste mode dite «volontaire», les réseaux sociaux ne font que renforcer certains préjugés au détriment de communautés ayant de vrais besoins spécifiques. Sans vouloir faire porter le blâme à ma génération, ce que je lui demande aujourd’hui est un premier pas dans la bonne direction : la conscientisation. Être au courant des répercussions morales et environnementales de nos choix, comprendre les enjeux auxquels font face certaines populations et surtout, ne pas utiliser notre privilège de samaritain blanc pour se donner bonne conscience. Il y a tant de belles initiatives qui voient le jour avec l’avènement du progrès technologique. Pourquoi ne pas en saisir une et faire de l’humanité responsable?
Légende : Marika lors de sa visite au village royal de Tiébélé, dans le sud du Burkina Faso