«Oublions les rêveries de certains milliardaires. Il n’y a pas de planète B», a déclaré António Guterres, Secrétaire général des Nations Unies en ouverture de la Conférence de l’ONU sur la biodiversité (COP 15) qui s’est terminé à Montréal le 19 décembre dernier.
On peut croire que les rêveries auxquelles pensait le Secrétaire général concernaient certains projets interplanétaires mis de l’avant par deux figures emblématiques de l’extrême richesse. Comme le projet Blue Origin de Jeff Bezos, grand patron de Amazon, qui rêve du jour où des millions de personnes vivront et travailleront dans l’espace pour y puiser des ressources illimitées au profit de la Terre. Ou encore l’ambition d’Elon Musk, fondateur de Tesla, de coloniser la planète Mars afin qu’un million de personnes puissent y vivre d’ici 50 ou 100 ans.
Faisant écho aux propos du Secrétaire général, des militants écologistes, inquiets de l’influence qu’avaient les milliardaires sur les négociations en cours à la Conférence de l’ONU, posaient un geste d’éclat en déployant, du haut d’un édifice situé à proximité de la conférence, une immense banderole au message percutant «BIODIVERSITÉ CONTRE MILLIARDAIRES».
Les activistes disaient vouloir dénoncer les fausses solutions technologiques à l’effondrement des espèces vivantes proposées par certains milliardaires, lesquelles pourraient s’avérer préjudiciables pour la biodiversité. Comme cette intention de la Fondation Melinda et Bill Gates, cofondateur de Microsoft, d’introduire sur le continent africain des moustiques génétiquement modifiés et stériles pour y combattre les risques de la malaria. Un projet qui fait craindre une contamination des espèces non ciblées. Les militants voulaient également mettre en lumière un des angles morts du débat sur la crise environnementale, à savoir l’impact sur la planète du train de vie princier des ultras riches.
À ce dernier chapitre, une étude, rendue publique à l’automne 2020 par l’ONG OXFAM, révélait qu’entre 1990 à 2015, 52% des émissions de CO2 avaient été produites par les 10% des plus riches de l’humanité et 15% par le 1% le plus riche, soit deux fois plus que la moitié la plus pauvre de l’humanité qui n’en a produit que 7%.
Impacts climatiques et inégalités économiques seraient d’ailleurs étroitement liés selon une autre étude publiée en 2020 dans une édition de la revue de l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE). Les auteurs ont observé non seulement un fossé grandissant entre pays riches et pays pauvres, mais également entre citoyens aisés et appauvris à l’intérieur même de ces pays, qu’ils soient riches ou pauvres. Ils notent par ailleurs sans surprise que les changements climatiques affectent de manière disproportionnée les moins nantis.
Interrogés à la suite de leur action d’éclat sur ce qu’ils attendent des richissimes patrons qui rêvent de sauver la planète, les militants écologistes ont eu cette réponse non équivoque : «Ils devraient d’abord payer leurs impôts, payer leurs employés justement et payer des réparations pour les dégâts causés par leurs activités commerciales.»