Plusieurs pays reprochent au Canada de ne pas faire sa part au chapitre des dépenses militaires et de ne pas consacrer assez d’argent pour la modernisation de son arsenal de combat. Selon les dernières données disponibles, le Canada consacrait 1,3 % de son produit intérieur brut au financement de son armée, soit moins que l’objectif de 2% fixé par l’OTAN. Cet effort financier correspondait à une somme de 36 milliards de dollars dans les dépenses du gouvernement canadien en 2022.
Cette apparente déficience en matière d’effort militaire cache une tout autre réalité. D’abord, mentionnons que le gouvernement fédéral actuel prévoit hausser son budget pour la défense à 51 milliards de dollars en 2026-2027, soit une hausse anticipée de 42%, ce qui représentera à ce moment 1,55% du PIB canadien. Rappelons aussi que le Canada a fourni 1 milliard de dollars en armement à l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe. Cela le place parmi les principaux donateurs, loin derrière les États-Unis pour l’aide apportée à l’Ukraine à ce chapitre. Sur un autre plan, le Canada détient une petite place, mais combien stratégique dans le commerce du matériel de défense à l’échelle mondiale. Ainsi, les exportations militaires canadiennes se chiffraient à 2,7 milliards de dollars en 2021.
En fait la valeur de ces exportations est en hausse constante depuis l’arrivée du gouvernement Trudeau en 2015. Et cela exclut les affaires que nous brassons avec nos voisins américains puisque les entreprises n’ont pas à demander de licence pour exporter et que le gouvernement canadien encourage un tel maillage. En effet, la Corporation Commerciale canadienne est un organisme fédéral mandaté pour aider les entreprises d’ici à obtenir des contrats des gouvernements étrangers. Elle publicisait récemment les multiples occasions d’affaires possibles avec le Département américain de la défense (DOD), allant jusqu’à chiffrer à 2,9 milliards de dollars la valeur des exportations militaires canadiennes vers nos voisins du sud en 2018. En ajoutant la somme de 2,1 milliards d’exportations militaires hors États-Unis, on peut en conclure que le Canada a brassé pour près de 5 milliards $ d’affaires en matière de défense en 2018. Par ailleurs, dans la liste des nouveaux clients potentiels du Canada, on retrouve, depuis août 2022 le Qatar, malgré le fait que le bilan de ce pays au chapitre des droits humains est loin d’être éclatant. Qui plus est, le Qatar respectait les critères fixés pour figurer sur la liste!
Le gouvernement canadien s’est engagé, depuis quelques années dans un vaste programme de modernisation des équipements de l’armée dont la valeur totale se chiffre à environ 140 milliards de dollars. Les contrats les plus juteux sont principalement l’acquisition d’avions de combat F-35 (19 milliards $), la construction de navires de guerre de nouvelle génération (77 milliards $), l’acquisition de sous-marins nucléaires (25 milliards $), l’achat de drones armés (5 milliards $) , etc. Ajoutons à cela la somme faramineuse destinée à la réfection partielle du système de défense NORAD, soit 40 milliards de dollars qui seront dépensés sur un horizon de 20 ans.
À l’autre bout du spectre, un rapport des Nations-Unies établissait, en février 2002, à 60 le personnel de l’armée canadienne affecté à des missions de paix, ce qui plaçait le Canada au 70e rang sur 122 pays participants. À ce chapitre, le gouvernement Trudeau n’a pas du tout livré la marchandise. Lors de la campagne électorale de 2015, une promesse avait été faite à l’effet de recentrer le rôle des forces canadiennes vers le maintien de la paix, engagement qui figurait toujours dans le programme électoral des libéraux en 2019. Le tout est resté sans suite, hormis une courte mission d’assistance au Mali en 2018. En outre, le Canada avait promis à l’Organisation des Nations Unies en 2017 de fournir 200 gardiens de la paix, engagement qui a été sans cesse retardé sans raison fournie jusqu’à sa réalisation prévue en 2023. Conséquence il y avait en 2022, moins de personnel canadien affecté au maintien de la paix qu’à l’élection du gouvernement libéral en 2015. Cette apathie canadienne en matière de maintien de la paix est un élément qui a fortement pesé dans l’élimination du Canada pour l’obtention d’un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies en 2019.
Au fond, une question majeure se pose: à quel jeu joue le Canada au chapitre de la militarisation et de la paix? La réponse apparaît comme passablement ambiguë.