Un enjeu international de première ordre pour l’environnement est cette année en négociation dans des instances internationales: l’exploitation minière des fonds marins, parfois appelée par son nom anglais, le deep sea mining.
Les fonds marins se situent à plusieurs centaines, voire milliers de mètres sous la surface de la mer, et souffrent d’une législation très faible concernant leur protection. L’Autorité internationale des Fonds Marins (AIFM), agence onusienne, créée dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, est chargée de ces enjeux, et notamment de la délivrance des permis d’exploration et d’exploitation. À l’heure actuelle, une trentaine de permis d’exploration des fonds marins ont été délivrés, car ceux-ci attirent les industrie minières, tant ils regorgent de ressources.
On y retrouve en effet de l’or, de l’argent ou du fer, mais aussi des métaux rares comme le nickel, le cobalt, le cuivre, le manganèse, autant de matériaux dont les besoins grandissent et deviennent indispensables dans la fabrication des appareils électroniques comme les batteries, les téléphones intelligents, etc., et donc essentiels pour l’électrification des transports ou le développement des énergies solaire et éolienne. Selon l’Agence internationale de l’Énergie, les besoins en matériaux tels que le cobalt ou le nickel pourraient se multiplier par 20 d’ici 20 ans, et jusqu’à 40 pour le lithium.
Ces ressources sont, pour l’instant, difficilement accessibles, tant les contraintes sont nombreuses: la pression sous plusieurs milliers de mètres de profondeur est immense, et il y règne de plus un noir absolu, et ce, sans compter que l’eau salée corrode énormément. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les fonds marins sont peut-être l’un des endroits sur Terre les plus méconnus. On estime que de 6 à 20% des fonds marins sont actuellement cartographiés.
Néanmoins, The Metals Company, une entreprise minière canadienne a obtenu l’autorisation, sur fonds de corruption selon des enquêtes du New York Times et du Los Angeles Times, de commencer l’exploration – une étape qui précède l’exploitation – de la zone Clarion-Clipperton, située au milieu de l’océan Pacifique, qui suscite de nombreuses convoitises de par la richesse de ses gisements. Le gain estimé est colossal, puisque The Metals Company espère amasser 31 milliards de dollars sur 25 ans.
Cette étape d’exploration soulève également des enjeux environnementaux énormes, et principalement liés au raclage du plancher océanique, dont on connaît mal les conséquences, notamment sur la disparition de la biodiversité, la génération de nuages de sédiments, les impacts des pollutions sonores et lumineuses sur des organismes qui n’y sont pas habitués ou encore la capacité de stockage de CO2 des océans. Un rapport spécial du GIEC paru en 2019 sur les océans et la cryosphère alertait déjà sur les effets délétères des changements climatiques sur les océans, qui recouvrent 70% de la planète et les conséquences dramatiques pour les centaines de millions d’humains qui dépendent des ressources marines pour leur survie.
Plusieurs pays, notamment le Pérou et le Chili, ont pris les devants et ont présenté des projets de lois pour interdire l’extraction minière des fonds marins dans leurs eaux territoriales. Des discussions sont en cours cette année autour de l’établissement d’un «code minier» qui régirait l’exploitation des abysses marines. La date butoir de ces négociations est fixée au mois de juillet 2023. Au-delà de cette date, l’exploitation sera rendue possible, même sans réglementation.
Lors de la Conférence des Nations unies sur les océans qui s’est tenue au Portugal en juin dernier, certains États, aux côtés de nombreuses ONG, ont défendu un moratoire sur cette extraction. Certaines entreprises le soutiennent également, telles que Samsung, Google ou BMW. Justin Trudeau, lui, ne s’est pas opposé à cette exploitation minière des océans.