Le contexte international actuel permet de réaliser les limites inhérentes au rôle de l’Organisation des Nations unies (ONU). Depuis février, la Russie porte atteinte à la souveraineté de l’Ukraine dans ce qui s’avère déjà l’un des conflits les plus risqués du XXIe siècle. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lance des appels au calme et à la diplomatie, mais rien n’y fait. On assiste plutôt à une escalade des tensions, dans ce qui ressemble à un nouvel épisode de la Guerre froide.
Un constat s’impose : la coopération entre États rivaux ne semble plus à l’ordre du jour. Plus que jamais, les membres du Conseil de sécurité de l’ONU sont divisés, rendant le dialogue quasi-impossible. Pourtant, pendant ce temps, les défis transfrontaliers s’avèrent plus importants aujourd’hui qu’ils ne l’étaient au temps de la fondation de l’ONU : changements climatiques, risques d’éclosion de nouvelles pandémies, lutte au terrorisme et à la radicalisation, cybersécurité pour n’en nommer que quelques-uns.
Des événements récents permettent aussi de constater les limites de l’ONU et de ses agences. En pleine pandémie de COVID-19, le rôle de l’Organisation mondiale de santé (OMS) a été remis en question : accusée tantôt de banalisation de l’éclosion de Wuhan (2019), tantôt d’assujettissement à l’égard de grands donateurs. Or, l’OMS n’est peut-être victime que d’un manque de moyens et de capacités. Il en est de même de la question des changements climatiques. Les sommets annuels (Conferences of Parties) contribuent certainement à discuter de cette importante question, mais sans pourtant contraindre les États à se donner des objectifs ambitieux en la matière.
Toutefois, force est de constater la sclérose de laquelle est atteinte l’ONU. Les grands défis de notre siècle peinent à être abordés, encore moins solutionnés, par son entremise. La composition de son Conseil de sécurité est anachronique et ne laisse pas de place aux puissances émergentes (Inde, Brésil, Nigéria ou autre). Le caractère inclusif de l’ONU permet son adhésion sans égard pour le type de gouvernement en place. D’ailleurs, un nombre important de pays adhère à l’organisation (193 actuellement) sans respecter ses objectifs fondateurs (paix, coopération internationale, démocratie, droits humains). Certains se comportent en voyous et contribuent même à nuire à l’ONU. Dans ce contexte, il n’y a qu’à retourner aux sources, à la lecture d’Emmanuel Kant et son ouvrage Vers le paix perpétuelle (1795), pour comprendre les limites d’une telle organisation.
Il n’est possiblement pas nécessaire de faire tabula rasa sur tout le travail qu’abattent l’ONU, ses organes et ses agences. Il faut cependant envisager des réformes substantielles qui permettraient aux États de coopérer plus efficacement dans la poursuite des objectifs du siècle actuel. Dans une multitude de dossiers, la communauté internationale est forcée de progresser au rythme du plus petit dénominateur commun, soit à un rythme bien insuffisant pour résoudre les urgences de notre époque. Il est grand temps de réfléchir à une organisation qui intègre les principes du « dilemme du prisonnier », de manière que les États agissent sans égard pour des intérêts particuliers, mais plutôt en fonction du bien commun. Le chantier est titanesque.