Récemment, les autorités de l’Organisation des Nations Unies (ONU) ont déclaré que la guerre civile qui subsiste depuis mars 2015 au Yémen était la pire catastrophe humanitaire du monde. Dans ce pays qui compte 30 millions d’habitants, le conflit y aurait fait, selon les estimations officielles, quelque 377 000 morts à la fin de 2021. De ce nombre, 60 % des décès seraient dus aux conséquences indirectes de la guerre, soit la maladie, la faim, etc. Les femmes et les enfants en bas âge figurent en tête de liste des victimes de ce conflit, sans compter les quelque 4 millions de personnes déplacées. À ce lourd tribut, il faut ajouter que la situation humanitaire est si précaire que les deux tiers de la population ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence et que 8 millions de Yéménites connaissent une situation de famine.
Ce conflit prend racine avec le fameux printemps arabe de 2011. Comme en Tunisie, par exemple, des manifestations populaires aboutissent à la démission du président d’alors, Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 34 ans. Trouvant refuge en Arabie Saoudite, c’est le vice-président Hadi qui le remplace pour un mandat transitoire de deux ans. Mais la période de transition vers la démocratie s’arrête brusquement et le pays devient vite instable.
Les Houthis se sont longtemps considérés marginalisés politiquement et économiquement par un gouvernement yéménite centralisé et corrompu, et ce, dans le pays le plus pauvre du Moyen-Orient. De 2004 à 2011, ils ont fait l’objet de nombreuses campagnes de répression. Ce qui était au départ un conflit qui ne dépassait pas les frontières du pays a vite pris l’allure d’un conflit régional avec l’implication, d’une part, d’une coalition de pays limitrophes dirigée par l’Arabie Saoudite avec le but avoué d’appuyer le gouvernement en place et, d’autre part, de l’Iran qui a soutenu les rebelles houthis. La dimension internationale de cette guerre du Yémen ne fait aucun doute étant donné que des pays comme les Etats-Unis, le Canada, la France et Le Royaume-Uni et, jusqu’à un certain point, la Russie et l’Iran, ont agi comme fournisseurs d’armes aux pays en conflit. Il y a aussi une guerre d’influence entre les deux puissances régionales, soit l’Arabie Saoudite et l'Iran.
L’ONU a adopté, en avril 2015, la résolution 2216 permettant aux pays limitrophes d'appliquer l’embargo décrété sur les ventes d’armes aux protagonistes yéménites et préserver le gouvernement en place reconnu par la communauté internationale. Comme les Houthis menaçaient ce gouvernement, l’intervention militaire arabe s’en est trouvée légalisée, sans que l’ONU n’y puisse quoi que ce soit. Sur un autre plan, ce sont les différentes agences onusiennes qui essaient, tant bien que mal, de rapprocher les parties pour des négociations de paix, tout en essayant de venir en aide à la population civile durement éprouvée par huit ans de conflit armé.
L'intervention de la coalition de pays menée par l’Arabie Saoudite a débuté en mars 2015, mais depuis septembre de la même année, l’opération Tempête décisive s’enlise. Le géant arabe ne déploie pas de troupes au sol, mais opère des bombardements meurtriers qui détruisent aussi la plupart des infrastructures nationales : hôpitaux, écoles, etc. Dans le clan opposé, les Houthis ont l’avantage du terrain et ripostent en attaquant des installations arabes à coup de drones et de missiles. Ils ont disposé des centaines de milliers de mines terrestres et ont déjà été accusés d’utiliser des enfants soldats. L’intérêt supplémentaire de l’Arabie est d’avoir un voisin qui n’est pas menaçant, d’y voir un gouvernement qui lui plaît, tout en étant en mesure d’assurer la protection de son trafic maritime de tankers pétroliers.
Le 2 avril dernier est entrée en vigueur une trêve de deux mois entre les belligérants yéménites. Elle doit permettre l’acheminement sécuritaire de l’aide alimentaire d’urgence et de réunir les antagonistes sous l’égide de l’ONU en vue d’en arriver à un accord de cessez-le-feu permanent. Est-ce que ce sera l’occasion pour la communauté internationale d’agir pour contribuer à résoudre un conflit meurtrier dont on parle toujours comme une guerre occulte parce que les grandes puissances de ce monde n’ont pas d’intérêt dans ce pays lointain ?