par eduardo malpica
publié dans le nouvelliste
du 4 avril 2022
Depuis l’instauration en 1977 par l’ONU du « 8 mars, Journée internationale des droits des femmes », ceux-ci ont connu des avancées importantes au niveau sociétal et politique, mais il reste encore beaucoup à faire, et cela, pour plusieurs droits.
Présenté dans le cadre des Rendez-vous des cinémas du monde organisés par le Comité de solidarité/Trois-Rivières, le film Femmes d’Argentine du réalisateur Juan Solanas mettait en dramatique évidence un de ces droits toujours non reconnus dans de nombreux pays dans le monde : celui de disposer librement de leur corps, notamment en matière d’interruption volontaire de grossesse.
Femmes d’Argentine présente la lutte historique des Argentines pour obtenir le droit à l’avortement “légal, sécuritaire et gratuit” et pour en finir avec les dangereux avortements clandestins auxquels les femmes devaient recourir. Recours illégal qui non seulement causait la mort de milliers de ces femmes, majoritairement jeunes et pauvres, mais qui faisait de celles qui n’en mourraient pas des personnes socialement ostracisées quand ce n’est pas emprisonnées, et ce, pour avoir pris la décision de disposer librement de leur corps.
Le réalisateur a choisi de mettre en lumière la formidable mobilisation intergénérationnelle menée, en août 2018, par des centaines de milliers de femmes argentines visant à convaincre une majorité de membres du Sénat de ce pays d’entériner la loi légalisant l’avortement qui avait été antérieurement adoptée à la Chambre des députés.
Le documentaire démontre une fois de plus à quel point les gains sociaux sont l’aboutissement de longues et ardues luttes, menées dans la rue plus souvent qu’autrement, avant d’être entérinés par les gouvernements et devenir force de loi. Tout un défi dans un continent où les forces conservatrices liées aux églises exercent encore beaucoup de pouvoir, qu’elles soient quelque peu en recul comme l’Église catholique ou en forte progression comme le sont actuellement les diverses églises de confession évangélique.
“La marée verte”, nom avec lequel on a désigné cette extraordinaire mobilisation dont leur symbole était le port d’un foulard vert, n’a pas, alors, convaincu un Sénat composé majoritairement de personnes aux valeurs conservatrices, patriarcales et misogynes qui disaient se porter à “la défense de la vie”. Mais l’action ne fut pas vaine puisque deux années plus tard, soit le 30 décembre 2020, l’Argentine devenait une des rares juridictions en Amérique Latine à autoriser l’avortement.
En dépit de ce gain symbolique obtenu de haute lutte, quand il est question de droits des femmes et plus particulièrement du droit à l’avortement, la vigilance s’impose puisque les forces néo-conservatrices sont à l’affût. On en a eu un exemple encore récemment au Guatemala. À l’occasion de la journée même du 8 mars, comme un affront fait aux femmes, le Parlement décidait d’accroître les peines d’emprisonnement infligées aux femmes qui interrompent leur grossesse, les faisant passer de 3 à 10 ans.
Une décision que le gouvernement a dû annuler à la suite de la mobilisation des femmes et des secteurs progressistes qui sont rapidement montés au créneau pour dénoncer cette attaque faite aux femmes.
“Nos vies ne sont pas négociables”, pouvait-on lire sur une pancarte portée par une femme argentine lors de la mobilisation de 2018. Les femmes du Guatemala en ont fait une éloquente démonstration. Et avec elles, toutes celles qui se lèvent pour sauvegarder leurs droits et en revendiquer de nouveaux ici comme ailleurs.