Par RenauD Goyer
En novembre prochain, le Brésil retournera aux urnes pour élire le prochain président, qui sera investi le 1er janvier 2023. À un peu moins d’un an de cette échéance électorale, le climat politique brésilien demeure incertain, tout comme le résultat de l’élection.
L’élection de 2018 s'est déroulée dans un contexte particulier. Le président en place, Michel Temer, avait accédé au pouvoir après la destitution de Dilma Roussef, du Parti des Travailleurs. Cette destitution faisait suite à un scandale de corruption au sein de l’entreprise Petrobras qui touchait directement l’ancien président Lula, dont Dilma Roussef est l'héritière idéologique. C’est dans ce contexte que Bolsonaro a gagné les élections : il s’est immiscé entre la gauche et la droite, en grand manque de crédibilité auprès des électeurs. Celui qui était depuis une trentaine d’années un critique féroce de l’establishment politique est apparu pour plusieurs électeurs comme une alternative malgré ses sorties misogynes et homophobes ainsi que ses apologies de la dernière dictature. Peut-être même qu’il permettait à ceux qui partageaient ses idées de le faire sans complexe. Élu au 2e tour avec plus de 55% des voix, il s'est installé à Brasília avec un mandat fort lui permettant de mettre en œuvre un changement idéologique discréditant le Parti des travailleurs pour longtemps.
Légende : Le Brésil attend la prochaine élection de son ou sa présidente, qui aura lieu l'année prochaine. Dans le climat politique actuelle, difficile de prédire le résultat du scrutin. Ici, à Rio de Janeiro, dans la favela Morro da Providência.
Crédit : Renaud Goyer - CS3R
Or, la pandémie a fait dérailler ses plans. Au départ, niant pratiquement son existence, il a refusé de mettre en place des mesures sanitaires et même de pratiquer la distanciation physique lors des rencontres politiques qu’il tenait. La conséquence pour les Brésiliens a été terrible : plus de 21 millions d’infections et plus de 600 000 morts. En outre, la justice a exonéré l’ancien président Lula de toutes les accusations de corruption. Blanchi, celui-ci est prêt à en découdre avec la droite brésilienne et semble vouloir tenter un retour à la présidence, alors qu'il mène actuellement dans les sondages avec 56% des intentions de vote. À droite, aucune candidature se profile pour offrir une troisième voie entre l’ancien et l’actuel président.
De plus, son entourage politique et lui sont sous le coup de plusieurs enquêtes. En effet, le Tribunal électoral supérieur a ouvert une enquête sur l’utilisation généralisée de « fake news » lors de la dernière élection. Sans l’aide de députés alliés, il ne pourra éviter des accusations de manipulation du scrutin. En outre, le Congrès a amorcé des procédures pour juger le président pour crime contre l’humanité en raison de sa gestion de la pandémie.
Dans les deux cas, si Bolsonaro est reconnu coupable, sa seule option pour éviter la prison sera de demeurer élu. Pour ce faire, l’ancien militaire a tenté de mobiliser son institution d’attache mais de larges secteurs de l’Armée brésilienne refuse de s’impliquer directement dans la politique. Face à cet échec, Bolsonaro en appelle donc à ses supporteurs et a tenté une démonstration de force dernièrement en organisant une manifestation monstre qui n’a pas eu le succès escompté. Ainsi, il prépare déjà le terrain, à l’instar de son modèle Donald Trump, en affirmant que le vol de l’élection de l'an prochain par ses détracteurs est déjà commencé et il appelle à des blocages de routes pour empêcher que la présidence ne lui soit « illégitimement » dérobée.
Malgré ses insuccès, il semble qu’un important secteur de la société civile continue d’appuyer le président. Dans un article paru en octobre dernier dans Le Monde Diplomatique, Silvio Caccia Bava évoquait même la possibilité d’un « bolsonarisme sans Bolsonaro ». Déjà dans une chronique publiée dans la Gazette les mois suivant son élection il y a deux ans, nous affirmions, une collègue et moi, qu’il y aurait un avant et un après Bolsonaro et, qu’au-delà de ses coups d’éclat, son mandat présidentiel serait marqué par un changement de culture politique au Brésil.