Par Jean-Yves Proulx
«Si j’avais un char, ça changerait ma vi-e», chantait Stephen Faulkner dans les années ‘70. Le bonheur quasi total… À la même époque, le philosophe autrichien Ivan Illich évaluait qu’en ajoutant au temps de déplacement le temps investi pour l’achat d’un véhicule et les dépenses liées à son utilisation, notre vitesse de déplacement s’établit à 7 km/heure.
L’illusion électrique
Selon le ministère de l’Environnement, les émissions de CO2 liées au transport routier ont augmenté de 49,6% depuis 1990. La voiture électrique prétend nous en soulager. Pourtant, la production d'une voiture électrique génère deux fois plus de gaz à effet de serre que son équivalent non-électrique, sans parler des conséquences écologiques et sociales liées notamment à l'extraction et l'affinage des métaux et à la production de ces véhicules, comme en atteste, parmi d'autres, un rapport de l'Agence européenne pour l'environnement. En outre, une voiture électrique n’affectera pas la pollution générée par l'usure des freins, des pneus, de la route et de la poussière de la route, émissions associées elles aussi à divers effets néfastes sur la santé dont met en garde l’OCDE.
Légende : La voiture électrique prétend révolutionner le secteur automobile en limitant considérablement les émissions de gaz à effet de serre. Pourtant, la production d'une voiture électrique génère deux fois plus de gaz à effet de serre que son équivalent non-électrique, sans parler des conséquences écologiques et sociales liées notamment à l'extraction et l'affinage des métaux et à la production de ces véhicules.
Crédit: Pixabay
Chaque année, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 1,35 million de personnes perdent la vie sur les routes de la planète, plus de 3600 personnes quotidiennement, l’équivalent de sept écrasements de gros avions. Et cela ne prend pas en compte le nombre de blessés, estimé entre 20 à 50 millions. Le coût des soins de santé liés à ces accidents? En 2017, selon l’ingénieur GeorgePoulos, si votre déplacement à pied vous a coûté 1$, il en aura coûté 0.01$ à la société. À vélo? 0,08$. En autobus? 1,50$. En voiture? 9,20$!
Pour 2018, la Communauté Urbaine de Montréal évaluait les coûts socioéconomiques des congestions routières à 4,2 milliards$. Et la construction de nouvelles routes attire encore davantage d’automobiles. À titre d’exemple, sur la Los Angeles' 405 Freeway, une autoroute à 26 voies terminée en 2011 dans le but de diminuer les problèmes de congestions, on constate trois ans plus tard que les temps de trajet ont augmenté de 30% le matin et de 55% le soir.
Incontournable, l’automobile individuelle?
Au Québec, pour nous en convaincre, l’industrie automobile investit 500 millions de dollars par année en marketing, plus de 2,5 milliards d’euros en France. Au Québec, depuis 1985, le nombre de véhicules par 1000 habitants a augmenté de 20%. Un virage semble d’autant plus difficile que nos espaces ont tous été planifiés en fonction de cette automobile individuelle. Pourtant, c'est bien une diminution de l'utilisation de l'automobile individuelle, plutôt qu'un transfert vers l'électrique, qui permettra de lutter contre les changements climatiques. À Boston, on compte une station de métro par 5000 habitants, à Stockholm, une par 14 000, à Vienne, une par 20 000, à Montréal... une par 32 000!
Aux Pays-Bas, 28% des déplacements se font à vélo. Au Danemark, un pays au climat aussi rude que le nôtre, 25%. La gare Centrale de Copenhague dispose d’un espace de stationnement de plus de 1000 vélos qu’elle juge déjà largement insuffisant. À Paris, Anne Hidalgo veut supprimer près de la moitié des places de stationnement pour 2024, au profit du vélo. Bruxelles annonce vouloir en faire autant.
La ministre québécoise des Affaires municipales, madame Andrée Laforêt, déclarait récemment : «Il faut freiner l’étalement urbain, on est obligés de le faire.» Plus ce virage se fera attendre, plus il sera pénible.