Par Jules Bergeron
La manchette de Radio-Canada du 27 mars 2021 était claire : TecK Coal, une filiale de la minière canadienne Teck Resources, s’est vu imposer une amende totale de 60 millions de dollars pour avoir contaminé des cours d’eau en Colombie Britannique. Les faits reprochés remontent à…2012. Est-ce un cas de négligence exceptionnelle ou une pratique courante qui a été soudainement dénoncée ?
Rappelons qu’avec environ 1300 entreprises, le Canada est le pays qui compte le plus de compagnies minières au monde. De ce nombre, la moitié , est active dans plus de 100 pays à l’échelle planétaire. Plusieurs d’entre elles, et parmi les plus grosses, ont mauvaise presse et pour lesquelles on dresse un bilan désastreux notamment au chapitre du respect des droits des communautés locales et des nations autochtones ainsi que de la préservation de l’environnement. Et au Canada, ces entreprises ont-elles meilleure mine ?
Les compagnies minérales bénéficient d’un environnement économique et politique favorable, même très favorable au Canada. Il est reconnu mondialement que le pays est un paradis fiscal pour ces entreprises avec, entre autres, un faible taux d’imposition ainsi que des mesures d’aide très avantageuses que ce soit au niveau fédéral ou à l’échelle des provinces.
Légende : Malgré la mise en place d’un nouveau régime minier au Québec en 2013, le fondement même de la réglementation minière québécoise reste inchangé. Il s’agit du freemining, que l’on peut définir comme étant le libre accès, et à faible coût, aux ressources minières d’un territoire.
Par ailleurs, malgré la mise en place d’un nouveau régime minier au Québec en 2013, le fondement même de la règlementation minière québécoise (et ailleurs) reste inchangé. Il s’agit du freemining, que l’on peut définir comme étant le libre accès, et à faible coût aux ressources minières d’un territoire. A vrai dire, ce principe prévaut depuis des dizaines d’années. Bien sur, les autorités gouvernementales y ont greffé ce qu’on peut appeler des mesures d’atténuation, à savoir les audiences publiques du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), la nécessité de restaurer les sites en fin d’exploitation, l’acceptabilité sociale, des études d’impact et le versement de redevances et de compensations financières.
Les dossiers des redevances minières et de la décontamination ainsi que de la restauration des sites d’exploitation sont particulièrement intéressants à suivre. Le nouveau régime minier québécois a beau avoir été mis en place en 2013, ce n’est que tout récemment que le Québec a pu toucher un montant assez substantiel en matière de revenus miniers. Avant 2017, le montant versé se chiffrait à quelque 100 millions de dollars annuellement. En 2019 ( dernière année disponible ), cette somme atteignait 317 millions, non pas parce que le régime d’imposition a été modifié, mais essentiellement en raison d’une forme demande mondiale et d’un prix plus élevé pour les métaux extraits. A titre comparatif, mentionnons que selon l’Institut de la Statistique du Québec (ISQ), la valeur de la production minière québécoise s’établissait à 11 milliards de dollars. En 2019. Le montant percu en redevances représente donc 3,5 % de la valeur des minéraux extraits au Québec….
La décontamination des sites constitue aussi un enjeu extrêmement important. En 2009, la gouvernement québécois estimait à 264 millions le montant qui devait consacrée à la restauration des sites abandonnées. En 2020, l’investissement nécessaire atteignait au bas mot 1,2 milliard $ et ce chiffre était appelé à s’accroître sensiblement au cours des années à venir. Et combien le gouvernement québécois dépense-t-il pour venir à bout de cet héritage toxique ? En 2020-2021, l’enveloppe budgétaire totalise 21,5 millions $, soit un record comparativement aux sommes des années précédentes, à savoir un total de 178,5 millions pour la période s’étalant de 2006 à 2019, soit moins de 14 millions annuellement. Précisons cependant qu depuis quelque années, le gouvernement québécois exige des promoteurs miniers une garantie financière de leur part en cas d’abandon du site minier.
Dans une entrevue au journal Le Devoir le 7 mars 2020, le porte-parole de l’organisation MiningWatch Canada, Ugo Lapointe affirmait que "en tardant à venir à bout de l’ensemble des sites contaminés, le gouvernement risque aussi de se retrouver avec une facture encore plus élevée " et que "la facture de 1,2 milliard n’est donc qu’une estimation du montant total". Ce n’est pas pour rien que le nombre de sites abandonnés se maintient à un nombre élevé d’année en année, soit 444 au Québec en 2020.
Devant un tel état de fait, on peut se poser la question : est-ce que les gouvernements en font assez pour responsabiliser les entreprises minières chez nous et ailleurs ?