PAR LAURENCE GAUDREAULT
publié dans La Gazette de la Mauricie de DECEMBRE 2019
« La formation en vidéo et cinéma n’est pas une recette ni une simple question de procédés techniques, elle est avant tout un espace relationnel. »
Denis Bellemare, professeur au Département des arts et des lettres de l’université du Québec à Chicoutimi.
Le mois dernier, Les citoyen.ne.s du monde se sont rassemblés pour une soirée de visionnement de courts-métrages. Le but était d’abord de passer un moment agréable devant un répertoire cinématographique varié, mais surtout de réagir et de discuter des différents enjeux présentés. Ainsi, nous nous sommes rencontrés à l’Espace L’Artiviste du Comité de solidarité/Trois-Rivières.
Le premier film que nous avons visionné est un documentaire de la Fabrique culturelle sur la condition alarmante de la langue abénakise, La langue qui ne voulait pas mourir. Ce reportage est un exemple éloquent de l’importance du cinéma comme moteur d’information, de discussion et de revendication. Peu de gens parmi nous étaient bien informés quant à l’état de la langue abénakise. Si le cinéma, ici le documentaire, sert à raconter, il devient dans ce cas le porte-parole d’un peuple qui lutte pour conserver son identité. Pour aider les communautés minoritaires, il faut connaitre ses enjeux, et le cinéma permet cette première rencontre.
Avec l’animation de 1982, Bouffe-pétrole de Denis Poulain, on constate que les 37 années qui nous séparent de ce court-métrage n’ont pas atténué la portée actuelle de celui-ci. Le discours environnemental occupe une place importante dans l’art, qu’il
soit visuel ou littéraire, mais peut-être que l’humour presque absurde avec lequel Poulain dépeint une société dépendante à l’énergie fossile permet de faire passer le message plus délicatement. J’aime croire que dans un contexte scolaire par exemple, ce genre de film devient un allié important à l’éducation. Alors, pourquoi n’utilise-t-on pas plus le court-métrage comme outil pédagogique? Un visuel clair et accrocheur, un humour accessible, Bouffe-pétrole a tout pour rejoindre un public en apprentissage (jeune ou moins jeune).
Le cinéma engagé et militant offre une tribune à ceux qui n’en ont habituellement pas. Toute la beauté de l’art est dans le fait de nous ouvrir les yeux sur une réalité qui peut nous sembler très éloignée. Ce qui m’a frappé avec le court-métrage Brotherhood de Meryam Joober, qui traite des dynamiques noueuses et complexes qui s’établissent à travers un foyer tunisien lorsqu’un enfant, parti combattre au sein de Daech, revient à la maison, ce sont les enjeux familiaux et religieux qui sont mis de l’avant. Grâce au jeu d’acteur impeccable et aux images percutantes, nous sommes complètement absorbés. Le sujet du voile, et plus précisément de la burqa, a fait la une plus d’une fois dans nos journaux, mais l’œuvre de Joober tend, non pas à nous convaincre d’une moralité précise, mais bien à nous montrer l’envers d’un décor si peu exploité dans nos médias.
Bien que je me considère comme étant une bonne consommatrice de culture, ma participation à cette soirée m’a fait réaliser l’importance et la portée qu’ont ce genre d’événement. L’art engagé est vital dans une société, il dynamise les conversations et incite le partage. J’invite d’ailleurs tous les lecteurs à prendre le temps de regarder les films mentionnés, et si vous voulez d’autres idées, l’Office national du film et La fabrique culturelle offrent des centaines de petits bijoux qui valent la peine d’être écoutés. Nous devons par ailleurs remercier le Comité de Solidarité/Trois-Rivières pour la tenue de ce genre d’événements précieux. Il y aura en février prochain la 3e édition des Rendez-vous des cinémas du monde, une autre de leurs belles initiatives.