PAR FLORIE DUMAS KEMP
Chronique Le monde vu d'ici, Le Nouvelliste, 13 MARS 2021
Dans son récent rapport « Le virus des inégalités », Oxfam souligne comment la crise sanitaire affecte profondément les femmes les plus marginalisées du monde entier. On assiste à une hausse mondiale des violences sexistes et sexuelles. Majoritaires dans le secteur des soins et des services, elles sont en première ligne de la pandémie dans de piètres conditions de travail. Leurs pertes de revenus sont plus importantes que celles des hommes et elles sont plus nombreuses à travailler dans le secteur informel, sans aucune protection sociale. Après un an de pandémie, force est de constater que les inégalités de genre se sont creusées à travers le monde. Par conséquent, des voix se font entendre depuis plusieurs mois pour réclamer une relance féministe à l’échelle mondiale.
Selon l’Association pour les droits des femmes dans le développement (AWID), il est nécessaire d’aller à la source de la crise actuelle et de transformer nos modèles économiques pour qu’ils soient « plus justes, plus équitables et plus durables ». Cette organisation féministe internationale a lancé un manifeste en novembre 2020 pour réclamer une relance économique mondiale féministe, plutôt qu’un sauvetage économique centré sur la finance et les grosses entreprises à l’image de la crise de 2008. Dans son manifeste, l’AWID appelle à prioriser le bien-être collectif et l’environnement.
Légende : Selina Akter nettoie les rues pour la municipalité de Dhaka, lacapitale du Bangladesh. Comme de nombreuses femmes à travers le monde, la pandémie a rendu son quotidien plus difficile, notamment financièrement. La pandémie a exacerbé les inégalités de genre, et les femmes sont plus durement touchées par les conséquences de la crise sanitaire. Aux quatre coins du monde, des appels à une relance féministe se font entendre.
Crédit : UN Women/Fahad Abdullah Kaizer – Flickr.com
On y propose une panoplie d’angles d’action : réinvestissement en santé, en éducation et dans l’accès au logement, lutte aux discriminations systémiques, lutte à l’évasion fiscale, imposition progressive, soutien aux organisations féministes locales dans leur travail contre les violences sexuelles et domestiques, rejet des brevets dans le domaine de la santé pour assurer l’accès mondial aux médicaments et vaccins, etc.
Dès juin 2020, plus de 300 féministes africaines publiaient une déclaration féministe africaine sur la relance économique post-COVID. Elles y suggèrent une douzaine de pistes d’action pour une relance centrée sur la protection des écosystèmes et sur les besoins des communautés les plus touchées par la crise sur le continent africain. Elles y rejettent le modèle habituel des « plans de développement qui privilégient le gain à court terme au détriment de la terre et du bien-être des peuples africains à court, moyen et long terme. ». Selon cette coalition panafricaine, le renforcement des services publics, le renforcement des droits des
travailleuses et travailleurs (incluant le secteur informel, à majorité féminine) et la reconnaissance du travail invisible des femmes sont parmi les priorités pour une relance juste.
Du côté de l’Océanie, la Commission sur le statut des femmes de l’État d’Hawaï avance que « la relance économique ne doit pas se faire sur le dos des femmes. ». Cette commission publiait un plan de relance économique féministe dès avril 2020 et demandait d’éviter toute mesure d’austérité post-COVID. On y parle plutôt d’investir dans la santé et les services sociaux, d’augmenter le salaire minimum pour ainsi réduire la pauvreté des femmes et d’implanter un moratoire sur la hausse des loyers, entre autres.
D’autres appels pour une relance féministe sont depuis apparus en Irlande du Nord, au Canada et ici même au Québec dans le mouvement féministe communautaire. Qu'ont en commun ces appels qui résonnent d'un bout à l'autre de la planète? La dénonciation d'un système économique global fondé sur les inégalités et l'exploitation des plus marginalisées que la pandémie est venue renforcer. Un système que les mouvements féministes invitent à transformer depuis bien longtemps.