Par Jules Bergeron
Chronique du 5 Décembre 2020
Le reportage d’Anne Panasuk, diffusé à l’émission Enquête à Radio-Canada le 28 février 2020 était dévastateur pour l’image des minières canadiennes. En résumé, des gens témoignaient du gaspillage de l’eau fait par une compagnie du Canada dans le cadre de ses activités d’exploration et de l’impact sur l’approvisionnement en eau potable d’une communauté mexicaine. Exception ou pratique courante?
Rappelons que le Canada est le pays qui compte le plus de compagnies minières au monde, soit plus de 1300 en date de 2018. Elles détiennent des actifs de quelque 270 milliards de dollars. De ce nombre, la moitié, soit 650, sont présentes dans plus de 100 pays à l’échelle planétaire. Leur activité se concentre, mis à part au Canada et aux États-Unis, en Amérique du Sud (actif de 57 milliards), en Amérique centrale, y compris le Mexique avec 44 milliards d’actif et en Afrique avec 26 milliards de dollars. Ajoutons à cela que le Canada a le taux d’imposition des entreprises minières parmi le plus bas des pays développés et que le gouvernement conservateur de Steven Harper avait affirmé qu’elles constituaient de fières ambassadrices pour le Canada! Pas surprenant que notre pays soit considéré comme un paradis pour de telles entreprises!
Le Canada est le 4e producteur d’or au monde. Les minières canadiennes en produisent et en font l’exploration un peu partout dans le monde. Et leurs activités étrangères en font souvent de très mauvais citoyens corporatifs. Les exemples ne manquent pas et, heureusement, ils sont fort bien documentés. Ainsi, le CDHAL (Comité pour les droits humains en Amérique Latine) signalait en février 2020 qu’au Chili deux minières canadiennes, soit Teck Resources et Barrick Gold, ne respectent pas les droits des peuples autochtones et plusieurs engagements stipulés dans leur permis environnemental.
Un autre cas est le comportement en Tanzanie de l’entreprise Barrick Gold qui est la plus grande entreprise aurifère au monde dont le siège social est à…Toronto. Cette compagnie canadienne exploite la mine aurifère de North Mara, dans ce qui était jusqu’en 2002 une région agricole. Mais l’exploitation minière a eu avec le temps un effet nocif sur l’écosystème local, en polluant entre autres les sources d’eau vitales pour l’agriculture. S’en est suivi un appauvrissement sévère des communautés locales, poussant même plusieurs habitants et habitantes à aller chercher de l’or dans les débris miniers et ce, au risque de leur vie.
MiningWatch Canada, une organisation canadienne sans but lucratif, surveille et rapporte de tels incidents liés au comportement ignoble des minières canadiennes dans les pays en développement. Ainsi, entre2014 et 2016, 22 citoyennes et citoyens locaux ont été assassinés près de la mine North Mara soit par la police locale, des mercenaires ou des agents de sécurité embauchés par l’entreprise, tandis que 69 autres ont subi des blessures. D’autres événements tragiques impliquant des entreprises minières canadiennes sont aussi rapportés.
Et que fait le gouvernement canadien dans ces dossiers? Peu, même trop peu. Le gouvernement de Justin Trudeau a néanmoins créé en 2019 un poste d’Ombudsman sur la responsabilité des entreprises (OCRE) mais dont la mission est essentiellement basée sur la collaboration des partenaires. Par contre, rien sur la révision de la politique fiscale envers les entreprises minières, la mise à jour du régime minier, etc. Et rappelons-nous que plusieurs de ces compagnies sont carrément des entreprises-voyous ayant pignon sur rue dans ce paradis qu’est pour elles le Canada…
Légende: Plusieurs rapports font état des actions nocives des minières canadiennes à
l’étranger : violation des droits humains, dommages environnementaux, non-respect des droits des peuples autochtones.