Par Émilie Corbeil
Chronique Le monde vu d'ici, Le Nouvelliste, 22 novembre 2020
À quelques semaines des élections américaines, l’icône progressiste et l’Associate Justice Ruth Bader Ginsburg, communément surnommée Notorious RBG, s’est éteinte le 18 septembre 2020, à l’âge de 87 ans, attristant la population américaine et mondiale, mais surtout, laissant vide son siège à la Cour suprême des États-Unis. Pourquoi souhaitait-elle être remplacée qu’une fois l’entrée en fonction du nouveau président?
Créée le 17 septembre 1787 par la Constitution des États-Unis, la Cour suprême américaine contrôle la constitutionnalité des lois. Ses décisions sont sans appel et seule la Cour suprême, elle-même, peut renverser ses propres décisions. Depuis 1869, neuf juges y siègent. C’est au président des États-Unis que revient la tâche de nommer les juges du plus haut tribunal, suite à l’obtention du consentement du Sénat. La confirmation sénatoriale est le résultat d’une procédure en trois étapes : l’investigation de l’historique personnel et professionnel du candidat désigné, l’audition publique où les sénateurs interrogent le candidat sur divers enjeux allant de la séparation des pouvoirs, à la philosophie judiciaire, aux questions de société telles l’avortement ou la peine de mort, et finalement, le tout se termine par la délibération du Sénat.
Contrairement au Canada où les juges de la Cour suprême exercent leur fonction jusqu’à l’âge de 75 ans, aucune source législative ne pose aux juges du plus haut tribunal des États-Unis la moindre condition d’âge, de nationalité
L’ancienne juge à la Cour suprême américaine Ruth Bader Ginsburg, décédée le 18 septembre dernier, était une ardente défenseure des droits des femmes et de la justice.
Crédit photo : Ted Eytan
ou de qualification spécifique. Habituellement, ce sont des juristes ou des avocats d’exception, tels que Thurgood Marshall qui a plaidé Brown v. Board of Education (décision portant sur l’inconstitutionnalité de la ségrégation raciale dans les écoles publiques).
Ainsi, les juges sont nommés à vie et seule la mort, la démission ou la procédure d’impeachment, une procédure de destitution par le Congrès, pourrait interrompre un mandat d’un juge de la Cour suprême des États-Unis. L’enjeu de la nomination des juges à la Cour suprême est donc de taille, et ce, surtout sur le plan politique.
Indépendamment de l’allégeance politique du candidat désigné par le président, les juges se doivent, dans le cadre de leur fonction, d’être indépendants et impartiaux. Cependant, le positionnement idéologique d’un candidat est tout de même un critère important. Un président démocrate nommera habituellement un candidat progressiste et un président républicain désignera plutôt un candidat conservateur. L’objectif étant que le futur candidat rende des décisions qui seront dans la lignée idéologique du parti.
Lors du décès de la légende féministe Ruth Bader Ginsburg, le président Donald Trump s’est lancé dans une course afin de combler son siège, dont aujourd’hui y est assise Amy Coney Barrett, et ce, en pleine campagne électorale. Ce geste lui a valu les foudres de ses collègues démocrates qui n’avaient pas oublié le refus de procéder à la nomination proposée par Barack Obama du juge Merrick Garland, et ce, huit mois avant les élections de 2016, sous prétexte que ce choix reposait au prochain président élu.
Or, ce n’est pas la première fois que l’exécutif use de stratèges politiques dans un processus de nomination d’un juge à la Cour suprême des États-Unis.
Par ces joutes politiques, assistons-nous à l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire au profit de l’exécutif? À l’heure actuelle, la Cour suprême des États-Unis compte six juges conservateurs contre trois progressistes. La Cour suprême entrera-t-elle dans une ère de conservatisme? Les Américains doivent-ils craindre un repositionnement de la Cour suprême sur des questions telles que l’avortement ou le mariage homosexuel?