Par Daniel Landry
Chronique Le monde vu d'ici, Le Nouvelliste, 24 octobre 2020
Aux États-Unis, le processus électoral est bien amorcé. Qui occupera la Maison-Blanche entre 2021 et 2025? On répète ad nauseam que cette élection s’avère historique à plus d’un égard: crises de santé publique et de l’économie, montée de l’intolérance et des radicalismes, présence d’un président hors normes. À n’en point douter, le choix des Américains aura de grandes répercussions sur une myriade d’enjeux de politique interne, de même que sur la stabilité de ce pays au sortir de la pandémie de COVID-19. Mais qu’en est-il des impacts en politique étrangère?
La réélection de Donald J. Trump annoncerait la continuité des orientations prises depuis 2017. Durant cette période, les États-Unis sont devenus le plus grand ennemi du multilatéralisme. L’imprévisible président ne respecte les accords et signatures du passé que s’il le souhaite. Et il se réserve le droit de se dédire aussi souvent qu’il le désire. À titre d’exemples, les accords commerciaux nord-américains ou ceux avec la Chine sont sans cesse renégociés depuis 2017, l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien a été renié (2018), un retrait d’un accord sur le nucléaire avec la Russie a également été annoncé (2019), l’accord de Paris sur le climat a été rejeté (2019). Qui plus est, l’administration américaine s’éloigne graduellement de toutes les tables de discussion avec les autres États, et ce, dans une foule de domaines: militaire (OTAN), paix (ONU) et santé (OMS), économie et développement (G7 et G20). Elle se comporte comme si elle n’avait besoin des autres en aucune circonstance, selon les préceptes d’un isolationnisme nouveau genre. «America First!» scandent les supporters de Trump. «America Only!» faudrait-il entendre?
Sur le plan géopolitique, difficile de bien comprendre les orientations américaines, puisque celles-ci semblent se construire en fonction de l’humeur présidentielle plutôt qu’en fonction d’une idéologie ou d’un programme. En cohérence avec une politique isolationniste, on se retire de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan, même au risque d’abandonner des alliés (les Kurdes de Syrie) ou de laisser les rebelles du passé revenir en force (les Talibans d’Afghanistan). Mais en fonction d’une politique clairement interventionniste, on reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël (2018) et on assassine le général iranien Soleimani (janvier 2020). C’est sans compter que les nouvelles alliances semblent désormais déterminées en fonction des accointances de Trump. Pour entretenir de bonnes relations avec les États-Unis, vaut clairement mieux être un homme de style autoritaire. D’où ces rivalités empreintes d’un troublant respect (réciproque?) entre le président et certains de ses homologues: Poutine, Kim, Xi ou Bolsonaro.
L’alternative à Trump s’appelle Joseph Biden et il semble que son élection devienne de plus en plus nécessaire pour assurer une stabilité mondiale d’ici 2025. Prioritairement, un éventuel président Biden devra s’occuper de la gestion de la pandémie et s’assurer que les États-Unis redeviennent un leader en matière de collaboration en temps de crise. Biden aura également à aligner la superpuissance planétaire vers des objectifs ambitieux en matière de changements climatiques, et ce, en rétablissant les liens dénoués et les partenariats défaits depuis quatre ans. En définitive, s’il espère démontrer que Trump n’a été qu’une malheureuse parenthèse dans l’histoire des relations internationales, il devra impérativement reconstruire cette confiance si essentielle aux relations multilatérales. Par l’élection du candidat Biden, il y a lieu de croire que les risques de conflits (commerciaux, politiques ou militaires) seraient réduits entre les États-Unis et la Chine, la Russie, l’Iran ou la Corée du Nord.
S’il l’emporte le 3 novembre 2020, Joe Biden ne sera assurément pas le président le plus progressiste de l’histoire américaine. Au contraire! Il est plutôt reconnu comme le représentant de l’establishment de son parti et comme un candidat assez modéré. Pourtant, ce 46e président pourrait passer à l’histoire, ne serait-ce qu’en rompant avec l’héritage trumpiste et en réorientant l’Amérique vers un esprit de collaboration internationale plus vaste.