Par Gabrielle Chénier
Chronique Le monde vu d'ici, Le Nouvelliste, 10 octobre 2020
Le 17 octobre prochain aura lieu la journée internationale pour la résolution des conflits. L’occasion est donc belle de faire le point sur le rôle des femmes en résolution de conflits à l’échelle mondiale. Bien qu’elles fassent preuve d’une très grande efficacité dans l’établissement et la promotion de la paix, les femmes sont toujours largement exclues des négociations relatives à la paix. Comment expliquer ce phénomène?
Au cours des dernières années, la participation des femmes dans les délégations de négociation des processus de paix soutenus et suivis par l’ONU ne s’est pas améliorée. Internationalement, les tendances des données révèlent également que peu de progrès ont été enregistrés. Selon l’ONU, entre 1992 et 2018, seulement 13% des négociateurs, 3% médiateurs et 4% des signataires des grands processus de paix suivis par le Council on Foreign Relations était des femmes. Pourtant, la participation directe des femmes aux négociations de paix accroît la durabilité et la qualité de la paix. Selon une étude du Council on Foreign Relations portant sur 82 accords de paix signés dans le cadre de 42 conflits armés entre 1989 et 2011, lorsque des femmes sont signataires, la paix est généralement plus durable.
Donc, pourquoi le rôle des femmes est-il marginalisé en résolution de conflits, malgré les résultats positifs qui ont été observés dans les dernières années?
Selon ONU-Femmes, les processus de résolutions de conflits doivent impérativement impliquer une meilleure représentation des femmes, mais aussi une analyse de genre. En résolution de conflits, l’analyse de genre est un moyen d’examiner les relations de pouvoir et d’inégalités dont souffrent les femmes.
D’un côté, l’analyse de genre permet de voir les inégalités entre les femmes et les hommes dans les conflits. Les femmes sont un des groupes les plus affectés par les guerres et conflits. Elles subissent des violences sexuelles de façon accrue et leurs droits sont attaqués systématiquement. Avec une analyse genrée, on se penche aussi sur les représentations et stéréotypes des genres. À quoi associe-t-on la masculinité et la féminité lorsqu’il est question de violences?
Dans de nombreuses sociétés, la violence des conflits est associée à la construction de la masculinité; les hommes sont vus comme de braves combattants ayant un penchant pour la violence, alors que les femmes sont considérées comme des gardiennes de la paix. En effet, le rétablissement de la paix est souvent considéré comme une « émasculation » par les hommes alors que l’association de la féminité avec la paix entretient l’idée qu’elles sont des victimes passives sans défense. Malheureusement, les organisations internationales ont davantage tendance à adopter l’approche masculine, car elles se concentrent sur des interprétations stéréotypées des rôles de genre. Toutefois, pour que la résolution de conflits soit vue comme un succès, une analyse des sexes doit être faite afin d’éviter de tels stéréotypes sexistes.
La paix résulte de l’établissement d’institutions durables et inclusives qui tiennent compte des réalités des conflits. Si ces institutions ne sont pas créées, les anciennes institutions et pratiques discriminatoires risquent d’être rétablies. Puisque les femmes sont considérées comme un des groupes qui subit le plus de violence durant les conflits, il est essentiel qu’elles jouent un plus grand rôle dans la résolution de ceux-ci. C’est pourquoi l’ONU recommande depuis une vingtaine d’années une participation égale et significative des femmes aux processus de paix. Ceci requiert d’établir des liens étroits et de favoriser la collaboration entre divers groupes de femmes et nécessite l’emploi d’un langage neutre dans les accords de paix afin de promouvoir leur participation dans le processus de la paix. La participation des femmes mène à la création d’institutions démocratiques qui favorise l’établissement et la promotion de la paix qui est avantageux pour tous à l’échelle mondiale.