Alice grinand. collaboration spéciale.
Chronique Le Monde vu d'ici, Le Nouvelliste, 2 mai 2020
Le 23 mars dernier, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) appelait à un «cessez-le-feu immédiat, partout dans le monde» afin de consacrer tous les efforts possibles à la lutte contre la pandémie de COVID-19. Le pape François a également abondé dans le même sens lors de son urbi et orbi, le traditionnel message de Pâques, le 12 avril. Une pétition appuyant ce cessez-le-feu a déjà été signée à ce jour par plus de 2,2 millions de personnes à travers le monde sur le site d’Avaaz.
Un mois plus tard, une accalmie des hostilités a effectivement été constatée dans 11 pays. Ainsi, les Forces démocratiques syriennes ont par exemple, dès le 24 mars, déclaré soutenir l’appel du Secrétaire général de l’ONU. L’Arabie saoudite a également déclaré un cessez-le-feu unilatéral au Yémen, profitant peut-être ainsi d’une occasion de sortir la tête haute du bourbier militaire dans lequel elle a engagé une coalition qui s’y enlise depuis cinq ans. Néanmoins, des conflits violents continuent dans certaines parties du monde, comme en Afghanistan, au Yémen (sans l’Arabie saoudite) ou encore en Libye, où un hôpital a même été bombardé, en violation du droit international humanitaire.
Signe que certains dirigeants ont l’intention de faire du capital politique avec la crise, Donald Trump annonçait le 14 avril la suspension de la contribution des États-Unis à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour «sa mauvaise gestion». L’OMS est pourtant en première ligne pour la coordination de la lutte contre la pandémie.
Parallèlement, c’est seulement un mois après la déclaration d’Antonio Guterres que le Conseil de sécurité de l’ONU a entamé la rédaction d’une résolution appuyant le cessez-le-feu et réclamant une coordination renforcée pour lutter contre la COVID-19. Le Conseil de sécurité, dont la mission est le maintien de la paix et de la sécurité internationale, est composé de dix membres non permanents et de cinq membres permanents que sont la Russie, la Chine, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni. Ces cinq pays disposant chacun du droit de veto. À l’heure actuelle, cette nécessaire résolution demandant un cessez-le-feu et une meilleure coordination mondiale dans la lutte au coronavirus reste en suspens puisque Washington refuse toute déclaration commune... qui n’évoquerait pas la responsabilité chinoise de ce virus.
Pourtant, le monde aurait bien besoin de coopération et de paix en ce moment. Le patron de l’ONU insistait le 27 mars dernier pour affirmer: «La furie avec laquelle s’abat le virus montre bien que se faire la guerre est une folie. C’est la raison pour laquelle j’appelle aujourd’hui à un cessez-le-feu immédiat, partout dans le monde.»
Reste à voir si les puissants de ce monde entendront raison ou s’ils profiteront au contraire de la situation de désorganisation et de précarité dans laquelle la pandémie plonge de nombreux pays pour gagner des points au niveau géostratégique et militaire. L’augmentation des dépenses militaires mondiales en 2019 n’augure en tous cas rien de bon. À ce propos, le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute) publiait à la fin d’avril dernier son rapport annuel faisant notamment le décompte des montants exorbitants des dépenses militaires dans le monde. Pour 2019, cette somme a atteint 1917 milliards de dollars, soit 3,6 % de plus que l’année précédente, la plus grosse augmentation annuelle en dix ans.
Au moment où les systèmes de santé de tous les pays sont, soit carrément dépassés, soit ont atteint un niveau critique à cause de la pandémie, on peut rappeler une autre étude publiée cette fois par le journal Defense and Peace Economics en 2018 qui a établi clairement un lien entre l’augmentation des dépenses militaires... et la diminution des dépenses dans la santé.
Pour en savoir plus: www.cs3r.org