MOURIR DE FAIM OU DU CORONAVIRUS?
PAr Jean-claude landry. collaboration spéciale.
Chronique Le monde vu d'ici, Le Nouvelliste, 3 avril 2020
L’humanité est aujourd’hui confrontée à l’une des pires pandémies depuis la grippe espagnole qui a fait des dizaines de millions de victimes. Si on peut espérer que les mesures adoptées par les gouvernements des pays riches – distanciation sociale, fermeture des écoles, commerces et services non essentiels, soutien économique exceptionnel – permettront d’atténuer l’impact dévastateur de cette crise, tout indique qu’il en sera tout autrement pour les pays en développement.
Face à ce qu’elle qualifie de tsunami financier auquel seront confrontés les deux tiers de l’humanité, l’Organisation des Nations Unies appelait, le 30 mars dernier, à la mise en place d’un vaste plan d’aide (annulation de la dette, injection de liquidités, subventions aux infrastructures) totalisant 2500 milliards de dollars.
Si au Canada (comme dans la plupart des pays riches), les gouvernements injectent des sommes astronomiques pour venir en aide aux entreprises et aux ménages, rien de tout cela n’est prévisible dans les pays pauvres. Pour la très grande majorité des populations du Sud, la stratégie du confinement apparaît comme un luxe impensable à envisager. Les revenus faméliques des ménages ne permettent aucune épargne ou quelque réserve que ce soit. Pire, ils font en sorte que des milliards de personnes habitent de minuscules logements insalubres au sein de quartiers surpeuplés, manquant d’eau, d’électricité et d’installations sanitaires. Un cocktail idéal pour la propagation de la pandémie.
De telles conditions faisaient dire à un citoyen de New Delhi en Inde qu’on interrogeait sur les motifs de son départ pour retourner dans son village «qu’il préférait mourir du coronavirus plutôt que de la faim». Il aurait pu ajouter qu’il fuyait également le risque d’être durement réprimé si, pour survivre, il devait sortir de chez lui. Parce que la perspective d’une très sévère répression pour les contrevenants à l’obligation de confinement est bien réelle. Certains gouvernements et dirigeants ont en effet donné ordre à l’armée et à la police de prendre tous les moyens pour faire respecter le confinement. Comme cet autoritaire président des Philippines, Rodrigo Duterte, qui a «donné l’ordre à la police et à l’armée ainsi qu’aux responsables des villages de tirer sur les gens en cas de problème ou de bagarres» pour se protéger et faire respecter le confinement.
La moitié de l’humanité (3,8 milliards de personnes), ces exclus de la croissance, vivait déjà dans des conditions intenables, la pauvreté faisant chaque jour des dizaines de milliers de victimes. Une situation qu’illustre l’exaspération de populations entières qui, au cours de la dernière année, ont pris d’assaut la rue en Algérie, au Liban, en Irak, au Soudan, en Haïti, au Chili et ailleurs pour dénoncer les niveaux d’inégalité et de pauvreté insoutenables. Conséquences d’une mondialisation débridée, d’une recherche de croissance à tout prix au bénéfice des grands conglomérats industriels et institutions financières sans parler des programmes d’ajustements structurels imposés par les créanciers du Nord qui ont mis à mal les infrastructures publiques notamment sanitaires.
L’actuelle pandémie provoquera-t-elle un changement de paradigme, la solidarité prenant le pas sur l’individualisme puisqu’il semble bien que l’approche gagnante face à la crise actuelle passe par l’entraide et la collaboration.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) prévient d’ailleurs que le fait de laisser les pays en développement se débrouiller avec leurs problèmes ne fera que prolonger la pandémie et accroître les risques à l’échelle internationale.
Plus vite l’humanité mettra en œuvre un plan pour réduire drastiquement les horribles inégalités et permettre à chaque personne de vivre dignement sur une planète viable, moins celle-ci sera exposée à des catastrophes mondiales comme celle que nous vivons présentement.
Pour en savoir plus: www.cs3r.org
Le fait de laisser les pays pauvres se débrouiller avec leurs problèmes ne fera que prolonger la pandémie et accroître les risques à l'échelle internationale.
Crédit photo : CS3R
L'ONU et d'autres oganismes internationaux préviennent que la COVID-19 frappera très durement les pays en développement et pourrait provoquer une crise alimentaire dont les répercussions se feraient sentir à l'échelle de la planète.