Par Jean-Marc Lord. Collaboration spéciale.
Les tensions sont vives en ce moment entre les États-Unis et l’Iran. De manière générale, il en a toujours été ainsi depuis la révolution islamique de 1979, quoiqu’on ait pu observer un certain apaisement sous la présidence Obama avec l’entrée en vigueur de l'Accord de Vienne limitant le risque que l’Iran se dote de l’arme nucléaire en échange d’une levée des sanctions économiques imposées à ce pays. Mais l’annonce au printemps 2018 par le président Trump du retrait des États-Unis de cet accord et de l’imposition de nouvelles sanctions économiques contre l'Iran a relancé le climat de confrontation. Nouveaux épisodes de cet affrontement : l’assassinat, sur l’ordre de Donald Trump, le 3 janvier dernier en sol irakien, du puissant général iranien Soleimani et, en réponse, les tirs de missiles iraniens sur deux bases étatsuniennes en Irak. Tout cela mènera-t-il à une guerre ouverte entre les deux pays ? Quels sont les intérêts et les motivations des États-Unis et de l’Iran dans cette confrontation ?
Des risques plutôt minimes
Selon une majorité d’analystes, il est improbable que les tensions actuelles conduisent à une guerre ouverte. D’une part, l’Iran sait parfaitement qu’elle « ne fait pas le poids » devant l’énorme machine de guerre étatsunienne. D’autre part, il serait étonnant que Donald Trump souhaite s’engager dans un autre conflit majeur dans cette région. L’opinion publique étatsunienne y est d’ailleurs généralement défavorable, et M. Trump avait en outre promis de mettre un terme à ces guerres coûteuses et « sans fin » durant sa campagne électorale.
Que cherchent les États-Unis alors ?
Pour les États-Unis, cette démonstration musclée sert surtout à envoyer un message fort à l’Iran à l’effet qu’il y a une ligne à ne pas dépasser. L’implication du régime iranien dans le soutien au Hezbollah libanais, au régime syrien de Bachar al Assad, aux rebelles houtis au Yémen et enfin aux partisans et aux milices pro-Iran en Irak agace au plus haut point les États-Unis. Après avoir envahi l’Irak en 2003 pour renverser le régime de Saddam Hussein et pour contrôler les énormes réserves de pétrole irakien, les États-Unis voient naturellement d’un très mauvais œil l’influence croissante de l’Iran dans ce pays. Mais pour Donald Trump particulièrement, la confrontation avec l’Iran pourrait aussi s’avérer un moyen fort commode de détourner l’attention de la procédure de destitution à laquelle il fait face.
Que cherche l’Iran ?
Dans la logique actuelle des relations entre les deux pays, il fallait s’attendre à une riposte du régime iranien suite à l’assassinat du général Soleimani pour démontrer à sa population sa capacité à réagir face à l’ennemi de toujours. Mais le fait qu’il ait avisé les Américains quelques heures avant de les frapper avec des missiles en Irak montre bien qu’il compte « mesurer » ses représailles de manière à éviter de provoquer une trop forte réaction. Par ailleurs, cet épisode de tension avec le géant étatsunien arrive à point pour les régimes iranien et irakien, confrontés depuis quelques mois à des vagues de manifestations – durement réprimées – réclamant une amélioration des conditions de vie rendues plus pénibles par les sanctions économiques, la fin de la corruption des élites et une véritable démocratie. Pareillement à Donald Trump qui voit ses chances de réélection accrues grâce à une confrontation avec l’Iran, les autorités iraniennes souhaiteraient bien que l’accroissement des tensions avec les États-Unis amène la population à resserrer ses rangs autour du régime. Toutefois, le Boeing 737 ukrainien abattu par erreur par des missiles iraniens le 8 janvier est une tuile considérable pour le régime qui a ainsi perdu en crédibilité autant au niveau international que national, ce qui ne manque pas de donner des munitions aux nombreux mécontents du régime.
…en conclusion !
Il reste maintenant à surveiller si l’Iran et les États-Unis vont intensifier leur affrontement indirect en sol irakien où la guerre civile couve entre les pro-américains et les pro-iraniens. Entre les deux, il y a toujours la majorité de la population qui souhaite simplement une vie meilleure. Et quand les bombes et les balles pleuvent, tuent et détruisent des hôpitaux, des écoles et des maisons, ce sont toujours les simples citoyens qui en paient le prix.
Pour le guide suprême de la révolution islamique, l’iranien Ali Khamenei, comme pour le président étatsunien, Donald Trump, une guerre ouverte n’est pas envisageable.