Par Jean-Claude Landry. Collaboration spéciale,
Vingt-sept mois après en avoir fait la promesse, le gouvernement Trudeau annonçait, en janvier 2018, la création du poste d’Ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises (OCRE). Il s’engageait également à doter cette fonction des moyens nécessaires pour mener des enquêtes indépendantes crédibles sur le comportement à l’étranger des entreprises canadiennes.
Quinze mois après cette annonce, en avril 2019, le gouvernement nommait une titulaire à ce poste d’Ombusdman mais à peine trois mois plus tard, la totalité des membres représentant la société civile et les syndicats, la moitié des membres du groupe d’experts nommés pour accompagner l’Ombudsman dans sa tâche, démissionnaient en bloc. Leur motif : contrairement aux promesses faites, l’Ombusdman ne dispose pas des moyens nécessaires pour garantir que les entreprises canadiennes, notamment les minières, se comportent de manière responsable hors frontières.
Si le Parti Libéral avait fait cette promesse lors de la campagne électorale de 2015, c’est que le comportement de certaines entreprises minières canadiennes à l’étranger soulève de sérieuses interrogations, et ce, depuis de nombreuses années. Nombre d’organismes de coopération internationale présents sur le terrain ont rapporté l’existence de conflits mettant aux prises des entreprises canadiennes d’extraction et des communautés locales. Mexique, Tanzanie, Pérou, Philippines, Équateur, Congo, Guatemala, Érythrée, la liste des pays concernés n’a eu de cesse de s’allonger. « Mines canadiennes à l'étranger: or, sang et feuille d'érable » titrait, déjà en 2012, le journal La Presse suite à une enquête sur le sujet.
Encore récemment, l’organisme MiningWatch Canada dénonçait la minière canadienne INV Metals pour avoir tenté d’empêcher la tenue d’une consultation populaire relative à un projet de mine en Équateur. Au lendemain de cette consultation, alors que 87% des répondants s’étaient déclarés opposés au projet en raison du risque pour l’approvisionnement en eau potable de la communauté, la minière, qualifiant la consultation d’inconstitutionnelle, affirmait vouloir utiliser tous les moyens légaux pour mener à terme son projet.
Ce cas d’espèce témoigne de la nécessité d’un mécanisme gouvernemental de suivi des agissements à l’étranger des entreprises canadiennes puisque ce genre de conflit oppose habituellement des acteurs aux moyens tout à fait disproportionnés. Des communautés, souvent en contexte de survie économique, réclamant justice et réparations font face à des conglomérats disposant de moyens financiers colossaux et exerçant un « lobby » très actif auprès des gouvernements en place quand ce n’est pas auprès du gouvernement canadien lui-même.
Certaines sont même soupçonnées de corruption. Comme cette minière de Calgary qui, en 2011, a fait l’objet d’une enquête de la Gendarmerie Royale du Canada après que la GRC eut été informée du versement d’une somme importante dans le compte personnel du maire d'une petite ville mexicaine pour, indiquait le mandat de perquisition, « assurer la paix et empêcher que des membres de la communauté locale ne se lèvent contre la mine ». Un cas parmi bien d’autres, croit-on, au sein de la communauté des organismes de coopération présents dans les pays où s’activent des entreprises canadiennes.
Ces comportements déplorables et ces pratiques douteuses ne sont évidemment pas le fait de l’ensemble des entreprises ayant des activités hors frontières. Il n’en demeure pas moins que la protection des petites communautés locales et des familles qui y vivent justifie la mise en place d’un mécanisme gouvernemental doté de réels pouvoirs d’enquête pour garantir un comportement hors frontières socialement responsable des entreprises sous contrôle canadien. À défaut de tels pouvoirs, les préjudices causés aux populations locales vivant sur des terres convoitées risquent de se perpétuer.
Le comportement de certaines entreprises minières canadiennes à l’étranger soulève de sérieuses interrogations.