PAR ALICE GRINAND. COLLABORATION SPÉCIALE
Il y a maintenant 25 ans, l’Armée zapatiste de libération nationale (AZLN) se soulevait au Chiapas, au Mexique. La date ne devait rien au hasard: le 1er janvier 1994 marquait l’entrée en vigueur de l’ALENA, cet accord de libre-échange entre le Mexique, le Canada et les États-Unis qui vient récemment d’être remplacé par l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (AEUMC).
Officiellement fondée en 1983, l’EZLN est le résultat de l’influence de communautés mayas du Chiapas sur des militants révolutionnaires marxistes mexicains. Grâce à l’AZLN, les pratiques traditionnelles indigènes sont peu à peu intégrées à ce projet révolutionnaire ancré dans des valeurs comme la démocratie radicale, la défense du territoire, l’environnement, la dignité et la souveraineté.
Les territoires zapatistes sont divisés en caracoles dans lesquels siègent les «Conseils de bon gouvernement». Ces conseils ont pour objectif de fédérer les communes. Dans chacune de ces communes, les personnes élues par leur communauté pour occuper des fonctions municipales le sont pour 2 ou 3 ans, et ne reçoivent aucun salaire. S’inscrivant dans la tradition autochtone, ces fonctions sont considérées par la population comme un service rendu à la communauté.
Bien que l’insurrection zapatiste se soit réalisée contre le gouvernement mexicain, l’AZLN a également essayé de se bâtir avec le soutien de celui-ci, notamment lors des négociations de 1996 sur les droits et la culture indigène ayant débouché sur les Accords de San Andres. Toutefois, ces accords n’ont jamais connu la transcription constitutionnelle nécessaire pour leur pleine application. Depuis, les relations entre le mouvement zapatiste et Mexico sont toujours demeurées tendues.
Est-ce que l’arrivée au pouvoir d’Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO), cet homme de gauche nouvellement élu à la présidence du Mexique, y changera quelque chose? Bien qu’on imagine assez facilement les similitudes entre les idées défendues par les zapatistes et celles avancées par le nouveau président du Mexique, rien n’est moins sûr.
Bien qu’il se positionne contre l’impérialisme américain, Andres Manuel Lopez Obrador ne s’est pas opposé au nouvel accord de libre-échange en Amérique du Nord, l’Accord États-Unis-Mexique-Canada. En outre, il ne semble pas envisager de mettre à son agenda une reconnaissance constitutionnelle des Accords de San Andres. De plus, en guise de soutien aux causes autochtones, le nouveau président mexicain ne semble avoir à proposer que des mégaprojets qui porteraient grandement atteinte aux droits autochtones et à l’environnement.
Parmi ces projets d’envergure, on compte le Train maya, peut-être le plus emblématique du nouveau gouvernement en place. Transportant autant des passagers, plus particulièrement des touristes, que des marchandises, ce train permettra notamment de rejoindre les zones économiques spéciales du sud du pays. Voulues par Enrique Pena Nieto, le prédécesseur d’Andres Manuel Lopez Obrador, ces zones franches, faisant peu de cas des droits des travailleurs, font le bonheur des industriels et des capitaux mexicains et internationaux.
Le mouvement zapatiste a déjà annoncé qu’il s’opposerait entièrement à ce projet. D’autres propositions d’Andres Manuel Lopez Obrador, telles que celle d’une réforme constitutionnelle qui permettra la formation d’une garde nationale, sévèrement critiquée par de nombreux acteurs de la société civile, sont également condamnées par l’AZLN. Même si le mouvement zapatiste fête ses 25 ans, ses luttes sont encore importantes.
Il est peu probable que les mégaprojets voulus par le nouveau président mexicain Andres Manuel Lopez Obrador contribuent à réchauffer les relations des zapatistes avec le gouvernement mexicain.