Par renaud goyer
Le 23 janvier dernier, le président de l’Assemblée nationale du Venezuela, Juan Guaidó s’est autoproclamé président de la République bolivarienne du Venezuela à la suite du refus du président élu – dont l’élection est contestée par plusieurs membres de l’opposition et certains gouvernements sud-américains – Nicolas Maduro de ne pas transférer ses pouvoirs à l’Assemblée nationale.
Du coup, les États-Unis, plusieurs pays européens, le Brésil et même le Canada ont reconnu le nouveau président autoproclamé ; le président Trump allant jusqu’à transférer les actifs vénézuéliens sur son territoire à ce dernier. L’opposition cherche ainsi à prendre le pouvoir à travers une campagne médiatique stimulant la pression internationale sur Maduro, elle qui n’arrive pas à le faire par les urnes lors des élections.
Cette stratégie adoptée par Guaidó trouve sa motivation dans le refus de l’armée d’intervenir. Cette dernière demeure prudente et refuse de se mêler officiellement de la prise du pouvoir échaudée par la tentative de coup d’État de 2002 qui s’était retournée contre l’institution et avait stimulé la légitimité à l’égard du président de l’époque, et figure de la révolution bolivarienne, Hugo Chavez. Dans ce contexte, l’opposition cherche des solutions à son incapacité à prendre le pouvoir à l’extérieur du scrutin et de l’armée.
Pour ce faire, le moyen par excellence est de mener une campagne médiatique accusant le gouvernement de Maduro de corruption et de violation des droits humains – parce qu’il refuse l’aide humanitaire internationale – afin de mettre de la pression, tant à l’interne qu’à l’international, sur le président élu pour le forcer à démissionner. Cette méthode n’est pas nouvelle. Elle a fait ses preuves dans les dernières années en Amérique du Sud.
En effet, des tactiques similaires ont été employées au Brésil en 2016 contre la présidente Dilma Roussef. L’opposition au Parti des Travailleurs (PT) de l’ancien président Lula n’avait pas réussi à faire élire son candidat à la présidence après le scrutin serré de 2014 qui a divisé le pays (le nord appuyant le PT et le sud l’opposition). L’opposition opte donc pour la voie institutionnelle de la destitution pour reprendre le pouvoir. En misant sur des journaux et des postes de télévision sympathiques à sa cause, elle organise une campagne médiatique autour du scandale de corruption du groupe pétrolier Petrobras. Tous les partis politiques ont été mis en cause par ce scandale, laissant entendre que la nouvelle présidente était responsable des détournements de fonds. En août 2016, le Sénat la destitue, même si aucune preuve de sa participation au scandale n’existe. Ce coup d’État institutionnel a pavé la voie à l’élection du nouveau président d’extrême droite, Jair Bolsonaro, le 28 octobre dernier.
Quatre ans plus tôt, un procédé similaire avait été mis en place au Paraguay pour démettre le président Lugo en moins de 10 jours à la suite de la mort d’une quinzaine de personnes dans un affrontement entre des paysans et la police. Encore une fois, l’événement était un prétexte pour l’opposition, qui n’acceptait pas les résultats de l’élection ayant mis fin à la domination d’une quarantaine d’années du Parti Colorado.
Certains pourraient entrevoir dans ces renversements de gouvernements par des voies institutionnelles une évolution vers plus de démocratie en Amérique du Sud et un affaiblissement du pouvoir des militaires. La voie démocratique et institutionnelle pour se débarrasser de gouvernements corrompus ou impopulaires représenterait peut-être un pas en avant si la tactique ne bénéficiait pas aux mêmes acteurs, généralement aux élites économiques, tant nationales qu’internationales. Ces élites contrôlaient les affaires politiques depuis des décennies et n’hésitaient pas à mobiliser les militaires pour défendre leurs projets.
L’histoire de l’Amérique latine est ponctuée de coups d’État militaires, souvent encouragés et appuyés par les États-Unis, visant à remplacer des gouvernements jugés nuisibles aux intérêts économiques étatsuniens (Guatemala en 1954, Brésil en 1964, Chili en 1973, etc.). Moins bien accepté par l’opinion publique américaine, ce type de coup d’État par les armes est peu à peu remplacé par des renversements de gouvernements qui se font maintenant de manière institutionnelle. Le résultat est cependant toujours le même, des gouvernements de droite favorables aux intérêts des multinationales américaines, remplacent des gouvernements de gauche.