par Jean-Claude Landry. Collaboration spéciale
Le bras de fer actuel opposant le président élu du Venezuela, Nicolas Maduro, et le président par intérim autoproclamé, Juan Guaido, chef de l'opposition parlementaire, constitue le plus récent chapitre d’un affrontement politique qui perdure depuis deux décennies.
Un conflit qui a débuté avec l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez, dirigeant charismatique aujourd’hui décédé, élu et réélu sur la base d’un projet politique visant à réduire significativement les profondes inégalités de richesse dans ce pays doté des plus grandes réserves pétrolières au monde. Un projet et des mesures bien accueillis parmi les moins nantis, constituant la majorité de la population, mais qui a fortement déplu au sein des couches plus aisées de la société vénézuélienne.
Une gouvernance parfois erratique de son successeur, le développement d’une corruption endémique au sein de certains cercles liés au pouvoir, un niveau d’insécurité élevé en raison d’une importante criminalité et la baisse des revenus du gouvernement provoquée notamment par la chute des prix du pétrole ont fait en sorte d’accentuer les tensions sociales au sein de la population profondément divisée entre farouches partisans et fermes opposants de l’actuel gouvernement et du président Maduro.
L’élection en 2015 d’une Assemblée nationale composée majoritairement des partis d’opposition a accentué les tensions au point que celles-ci ont amené 14 pays à constituer une coalition, dénommée le Groupe de Lima, dont l’objectif annoncé était de favoriser une issue pacifique à la crise politique vénézuélienne. Le Canada tout comme Le Mexique en est membre, mais les deux pays ont adopté des positions divergentes à la suite de l’auto-proclamation, le 23 janvier dernier, de l’opposant Juan Guaido au titre de président par intérim du Venezuela.
Si le Canada a reconnu sans délai le président autoproclamé, le Mexique a choisi une tout autre voie en maintenant sa relation diplomatique avec le gouvernement actuel. « Nous entretenons des relations diplomatiques avec le Venezuela, qui est doté d’un gouvernement constitutionnel, et nous n’entendons pour le moment ni rompre avec ce dernier ni reconnaître un autre gouvernement. Nous considérons inappropriée toute voie ne donnant pas la priorité à la paix et au dialogue. » a déclaré Marcello Ebrard, ministre des Affaires extérieures du Mexique.
En adoptant cette position, le Mexique affirme ne pas prendre parti, mais rechercher plutôt une sortie pacifique à la crise qui secoue actuellement le Venezuela. Avec ce choix politique, le Mexique prend en quelque sorte le relais du Canada qui a maintes fois par le passé assumé un rôle de médiateur sur la scène internationale. « L'ingérence ne peut devenir la norme. Elle est toujours dangereuse, d'où qu'elle vienne », a précisé, de son côté, le sous-secrétaire mexicain aux Affaires étrangères chargé de l'Amérique latine, Maximiliano Reyes.
La position adoptée par le Mexique s’inscrit dans une approche diplomatique établie de longue date a soutenu le président Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO). Cela rappelle d’ailleurs la position adoptée par le Mexique lors du renversement en 1959 du gouvernement Batista à Cuba et de la mise en place d’un gouvernement révolutionnaire. Le Mexique avait alors résisté aux pressions des États-Unis en refusant de rompre les relations diplomatiques avec le nouveau gouvernement cubain. Le Canada avait fait de même et maintenu lui aussi les liens diplomatiques avec Cuba. Mais cela c’était à une autre époque.