Par Alice GRinand. Collaboration spéciale.
Un mouvement de grève d’une grande ampleur s’est récemment déroulé au Bangladesh dans le secteur de l’habillement. Ainsi, ce sont des milliers de travailleuses et de travailleurs du textile qui manifestaient dans ce pays, obligeant une cinquantaine d’usines à fermer temporairement leurs portes.
La principale réclamation ? De meilleurs salaires, et les manifestantes et manifestants ont eu partiellement gain de cause. Le gouvernement bangladais a augmenté l’an dernier les salaires les plus bas de plus de 50%, qui atteignent désormais les 8 000 takas, soit 95US$ par mois, alors que les syndicats exigeaient 16000 takas, soit environ 190 US$. Les grands patrons du textile, très proche du parti majoritaire, ont finalement accordé une augmentation du salaire mensuel de quelques dizaines de centimes de dollars suite à cette mobilisation sociale.
Les manifestations des travailleuses et travailleurs du textile bangladais permettent de rappeler de nombreuses inégalités mondiales. Les inégalités salariales tout d’abord : selon OXFAM, un PDG d’une multinationale du vêtement gagne en quatre jours ce qu’une travailleuse du textile gagnera dans toute sa vie, alors que le Bangladesh offre un salaire minimum parmi les plus bas du monde.
Les inégalités sociales ensuite : pour gagner leur maigre salaire, les ouvrières travailleront 6 jours sur 7, 10h par jour, et ce, toute l’année. En outre, les manifestations ont été durement réprimées et un manifestant y a trouvé la mort. La fin du mouvement social a également apporté son lot de surprises à certaines des personnes mobilisées : leur licenciement. Le droit du travail, et notamment la protection syndicale et le droit de grève, est clairement bafoué.
En avril 2013, l’effondrement du Rana Plaza, qui emporta la vie de 1100 personnes, considéré comme l’une des plus grosses catastrophes industrielles modernes, avait déjà mis sous le feu des projecteurs les conditions de travail dans ces ateliers de misère, qui emploient des femmes à 80%.
L’affaire est néanmoins juteuse : plus de 80 milliards de vêtements sont achetés chaque année sur la planète et l’industrie textile pèse 1 200 milliards de dollars annuellement. Le Bangladesh est un des principaux producteurs de fast fashion, qui désigne le renouvellement toujours plus rapide et moins cher des collections de vêtements.
L’économie bangladaise repose en effet sur le textile, qui représente 80% des exportations du pays, deuxième exportateur mondial de vêtements après la Chine. De nombreuses entreprises occidentales, telles que H&M, Primark ou Walmart, y ont délocalisé leur production pour bénéficier d’une main-d’œuvre bon marché et de conditions de travail délétères.
Au-delà des considérations sociales qu’amène cette industrie, la surproduction de vêtements relève également une dimension environnementale majeure : l’industrie textile est la deuxième plus grosse consommatrice d’eau, en produisant 20% des eaux usées, et génère plus de gaz à effet de serre que le transport aérien et maritime. En outre, la production massive de coton, et notamment les conséquences nocives de l’usage intempestif d’insecticides et de pesticides, est également à considérer.
Afin de nous permettre de consommer encore plus de vêtements, les multinationales du vêtement n’hésitent pas à sauver des coûts là où elles peuvent : sur le dos des droits humains et de l’environnement.
Légende : Au Bangladesh, les conditions de travail des ateliers de misère, dont la main d’œuvre est à 80% féminine, sont grandement endommagées par la course au prix le plus bas qui se déroule dans la fast fashion.
Crédit photo : Tareq Salahuddin – Wikimedia Commons