Par Jules Bergeron. Collaboration spéciale.
Le 31 octobre 2018 à La Hachadura, ville du Salvador à la frontière du Guatemala, Marta Pereira déclare d’un air fatigué : «La marche a été longue mais je me bats pour un avenir meilleur parce que ce n'est pas possible dans notre pays...». Depuis son départ, cette migrante n’a parcouru que 125 kilomètres alors qu’il lui en reste encore plus de 4000 à faire avant d’arriver à destination aux États-Unis.
Comme Marta et des milliers d'autres migrant-e-s, Maria ne quitte pas son pays de gaieté de cœur : «On ne peut pas étudier, l'économie se porte mal, il y a de la violence et il n'y a plus de travail». Pour Jonas, sa femme et leurs 3 enfants, le choix est clair : «Nous partons parce qu’ici il y a beaucoup de pauvreté et de délinquance ». C’est la dure réalité salvadorienne qui les frappe de plein fouet.
Le Salvador est considéré comme l'un des pays les plus dangereux du monde. Bien qu'on rapporte près de 4000 homicides en 2017, cela représente tout de même moins que les 5289 meurtres recensés en 2016 et les 6670 de 2015… La criminalité est présente partout dans le pays sous différentes formes : extorsions de fonds, enlèvements contre rançons, vols à main armée, homicides, etc. Les femmes sont particulièrement victimes de cette violence multiforme. Amnistie internationale rapporte qu’un grand nombre de jeunes femmes deviennent les esclaves sexuelles des gangs de rue. De plus, l'avortement étant interdit au Salvador, les femmes qui mettent fin prématurément à leur grossesse encourent la condamnation à mort pour homicide. Dans de pareils cas, les femmes issues de milieux pauvres sont trop souvent surreprésentées.
Et c'est sans compter sur la prolifération des armes à feu depuis les dernières années. Selon les chiffres d’El Faro, il y aurait une arme de poing par 13 habitants au Salvador, soit près de 500 000 pour l’ensemble du pays. Fait marquant au Salvador, le grand nombre d’agences de sécurité qui regroupent plus de 24 000 policiers auxquels s’ajoutent près de 30 000 agents travaillant dans des agences privées.
Le Salvador est un pays aux prises avec une pauvreté systémique. L'économie fonctionne au ralenti et les gens d'affaires investissent plutôt à l’étranger. Il y a peu d'emplois qui offrent une rémunération suffisante pour vivre décemment : sur 100 personnes qui travaillent, 60 ont un emploi précaire. C’est d’ailleurs ce qui a forcé Anthony Guevara à quitter le pays : «Ici, il n'y a pas d'espoir. Je suis au chômage depuis février, ma femme n'a pas d'emploi depuis le mois de mai...C'est ce qui nous a décidé à partir».
Le taux de pauvreté dépasse les 40 % au Salvador. C’est ce qui pousse chaque jour environ 600 Salvadorien-ne-s à quitter leur pays. Ils vont grossir les rangs de la diaspora salvadorienne qui compte près de 3 millions de personnes, tandis que le pays compte 6,6 millions d'habitant-e-s. Ce sont les transferts d'argent de ces expatrié-e-s vers leurs familles demeurées au pays qui portent l'économie et la consommation locale à bout de bras. La somme atteignait quelque 4,6 milliards de dollars en 2017 selon la Banque mondiale.
Pour Marta, Jonas, Anthony et pour des milliers d’autres, l'avenir est ailleurs. Mais le rêve américain se transformera-t-il en mauvaise chimère? Les migrant-e-s méritent au moins une chose : qu’on les accueille à bras ouverts.
Légende : Malgré un grand nombre d’agence de sécurité dans le pays, la criminalité et la violence gangrènent le pays. Le Salvador est en outre aux prises avec une pauvreté systémique, ce qui pousse de nombreuses personnes à quitter le pays.