par Alice Grinand. Collaboration spéciale.
Le 19 novembre dernier, Airbnb annonçait se retirer des colonies israéliennes situées en territoire palestinien en Cisjordanie. La nouvelle est passée presque inaperçue, elle lève pourtant le voile sur des enjeux souvent tus: le rôle des affaires dans le processus de colonisation israélienne. La décision est salutaire pour le peuple palestinien, à qui le 29 novembre dernier, la journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien, était consacré.
Airbnb, le géant américain de réservation de logements en ligne, renonce à offrir des locations dans les colonies israéliennes de Cisjordanie, un territoire occupé par Israël, qui y mène une politique active de colonisation jugée illégale et plusieurs fois condamnée par le droit international. Pour justifier sa décision, la multinationale a mentionné avoir évalué si le référencement de logements contribuait à des souffrances humaines préexistantes ou pouvait avoir un lien direct au conflit. La décision est notable, dans une industrie touristique qui semble faire l’autruche sur la question des colonies israéliennes.
Selon une enquête menée par Al-Jazira, une vingtaine de voyagistes proposent des circuits contenant une étape dans des colonies israéliennes illégales, en dépit des Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, publiés en 2011 par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (UNHCDH). Il y est notamment stipulé que les entreprises doivent «s’[efforcer] de prévenir ou d’atténuer les incidences négatives sur les droits de l’homme qui sont directement liées à leurs activités, produits ou services par leurs relations commerciales, même si elles n’ont pas contribué à ces incidences». En outre, ces entreprises du voyage ne mentionnent aucunement ces colonies illégales à sa clientèle potentielle.
En 2016, l’organisation internationale Human Rights Watch publiait un rapport qui dénonçait les entreprises qui profitent et dépendent de violations constantes des droits du peuple palestinien, ainsi que de législations discriminantes. Par exemple, tandis que les colons israéliens dépendent du droit civil israélien, les Palestiniennes et Palestiniens sont soumis au droit militaire. En plus de discriminations, la population palestinienne est victime de confiscations de terres ou de restrictions d’accès à celles-ci. Les entreprises situées dans les colonies évoluent dans un contexte illégal aux yeux du droit international, et pourraient même l’encourager en contribuant au bon fonctionnement et au développement des colonies.
Le revers de la médaille revient encore une fois au peuple palestinien, alors que les restrictions que leur applique Israël affaiblissent largement l’économie palestinienne. Nombreuses sont les personnes parmi la population palestinienne à finalement dépendre des emplois situés dans les colonies, accentuant ainsi le sentiment de légitimation du processus de colonisation.
Au début de l’année, un rapport de l’Union européenne affirmait que le tourisme est un outil politique utilisé par Israël pour légitimer sa politique de colonisation, notamment en modifiant le récit historique. Les conséquences des activités menées par des entreprises touristiques sont donc tant économiques que symboliques. Alors qu’il paraît peu probable que la décision de Airbnb de quitter les colonies israéliennes ait un fort impact économique pour la multinationale - seulement 200 logements y seraient référencés, son impact symbolique, lui, est fort. Le gouvernement israélien a d’ailleurs vivement réagi à la nouvelle, menaçant de sanctions Airbnb.
Légende: Le géant de réservations de logements en ligne a annoncé déréférencer ses offres de logements situés dans les colonies israéliennes qui occupent la Cisjordanie palestinienne de façon illégale. Cette décision est notamment le résultat du travail réalisé par des organisations de la société civile pour dénoncer les violations des droits du peuple palestinien.