par Thibault finet. Collaboration Spéciale.
De violentes manifestations frappent depuis dix jours le pays le plus pauvre des Amériques et ont déjà fait plus d’une dizaine de morts. Les manifestant.e.s appellent à la démission du président Jovenel Moise qui s’avère incapable de réaliser ses promesses électorales : nourrir la population et lutter contre la corruption systémique dans le pays.
Ayiti : un pays en voie d’explosion
En Haïti (Ayiti en créole), les catastrophes naturelles, les tragédies humanitaires, les crises politiques et la violence sociale font malheureusement partie du quotidien. Ce pays des caraïbes qui compte 10 millions d’habitant.e.s est un des plus vulnérables de la planète. Selon les tristes chiffres de la Banque mondiale, plus de 6 millions de personnes vivent avec moins de 2,40$ par jour; 90% de la population est exposée aux conséquences des catastrophes naturelles (épidémies de choléra, pas d’accès à l’eau potable, malnutrition) et 1 enfant sur 12 n’atteint pas l’âge de cinq ans. D’ailleurs, la problématique de l’exploitation sexuelle des enfants de la rue, des violences faites aux femmes ou encore des kidnappings contre rançon sont autant de fléaux qui rendent invivables le quotidien des haitien-n.e.s.
Rappelons qu’Haïti est un pays qui occupe la partie occidentale d’une île partagée avec la République dominicaine, et que deux catastrophes naturelles majeures ont ravagé le pays dans la dernière décennie : le séisme de 2010 (qui a fait plus de 200 000 morts) et le passage de l’ouragan Matthew en 2016.
Le problème de la corruption
Dans ce contexte dramatique, le pays est forcé de recourir aux bailleurs de fonds internationaux pour assurer son fonctionnement (FMI, Banque mondiale, pays étrangers). Ces fonds extérieurs représentent plus de 3 milliards de dollars annuellement sous la forme de programmes d’aide au développement ou de prêts. Mais, ce financement pose le problème de l’ingérence des capitaux étrangers dans les stratégies de gouvernance de l’État, qui est gangréné par la corruption.
En effet, depuis l’époque du président dictateur Jean-Claude Duvalier (1971-1986), la corruption s’est instituée en un véritable système d’État. Par exemple, à partir de 2006, Haïti s’est associée au programme Petrocaribe fondé par Hugo Chavez, qui lui permet d’avoir accès à du pétrole vénézuélien à des tarifs préférentiels. Cependant, l’utilisation du fond Petrocaribe a fait l’objet du plus grand scandale politico-financier de l’histoire du pays : il impliquerait plusieurs chefs d’État et gouvernements dans un système opaque de détournement d’argent estimé à plusieurs milliards de dollars. La justice haïtienne s’est saisie de ce dossier au début de l’année 2018.
Pour le sociologue haïtien Auguste D'Meza, la corruption est pire «qu’à l’époque de Duvalier» car elle se nourrit des catastrophes des dernières années, et c’est précisément ce sentiment de dépossession qui enflamme le pays actuellement. Ce qui arrive aux haïtiens ne fait pas partie de la fatalité mais bien d’un système organisé et toléré (sinon encouragé) par les pays développés qui laissent 99 % des haïtiens se débrouiller seuls contre les 1% de privilégiés du pays qui agissent comme de véritables prédateurs dans leur propre pays.
Légende : Manifestation à Port-au-Prince contre le scandale Petrocaribe, septembre 2018.
Crédit : Rony D'Haiti, Wikimédia Commons.