Par alice grinand. collaboration spéciale
Mesurer le bonheur plutôt que les richesses? Cette idée du Bonheur national brut est née en 1972 dans la tête de Jigme Singye Wangchuck, alors roi du Bhoutan, un petit pays bouddhiste perché dans les montagnes himalayennes.
Royaume peuplé de quelque 750 000 âmes, le Bhoutan n’est pas très connu dans nos latitudes. Ce petit territoire pas plus grand que la Suisse se fait oublier à côté de ses géants voisins, l’Inde et la Chine. Pourtant, ce pays original a de quoi attirer l’attention : le pays n’a par exemple jamais été colonisé, et est devenu démocratique en 2008 par la volonté même du roi qui a déclaré la monarchie absolue caduque.
LE BNB, une alternative au PIB
Mais si le pays a un tant soit peu attiré l’attention, c’est par la création et l’utilisation du Bonheur National Brut (BNB), un indicateur qui se veut une alternative au Produit Intérieur Brut (PIB). Ce dernier mesure les richesses produites par les activités économiques. Mais il ne dit par exemple rien de la qualité de vie: ainsi, un pays qui dépense des milliards dans l’industrie de l’armement verra son PIB augmenter d’autant. La France vient même récemment d’intégrer les revenus de la drogue dans son calcul.
C’est pour prioriser le bien-être de sa population sur les richesses économiques que le Bhoutan a introduit le Bonheur National Brut. Plus de 70 critères basés sur quatre principaux fondamentaux: la croissance et le développement économique responsables, la conservation et la promotion de la culture bhoutanaise, la sauvegarde de l’environnement et la promotion du développement durable et enfin la gouvernance responsable, constituent cet indicateur. Les politiques publiques, économiques ou sociales, sont filtrées par le BNB. La population bénéficie par exemple d’un accès gratuit à l’éducation ou aux soins de santé.
Tout n’est pas rose au pays du bonheur
Mais cet indicateur n’est pas parfait non plus. Il ne dit par exemple rien des inégalités et les discriminations. Pour protéger sa culture et son environnement, le Bhoutan applique par exemple des restrictions sévères concernant le tourisme étranger. Mais que signifie la protection de la culture dans un pays multiethnique? Au nom de la sauvegarde de la «culture nationale», entre 80 000 et 100 000 Lothsampas, ethnie hindouiste d’origine népalaise, se sont vus déchoir de leur nationalité et expulsés, et sont par la même occasion devenus apatrides. Ils vivent depuis dans des camps de réfugiés à l’est du Népal.
Tout n’est donc pas rose au pays du bonheur. D’ailleurs, il ne se classe que 97e au classement 2017 sur le bonheur mondial de l’ONU. En 2013, les élections législatives ont démis le parti monarchiste, celui-là même qui avait promulgué le BNB. Il ne faudrait pas oublier qu’une personne sur 4 vit sous le seuil de pauvreté au Bhoutan. En outre, malgré toutes les précautions prises par le Bhoutan, la mondialisation n’épargne pas le petit pays, et la fièvre consumériste enflamme peu à peu la population, avec tous les problèmes que cela peut engendrer (endettement, pollution, urbanisation massive et hausse du taux de chômage, etc.).
Après l’introduction du Bonheur National Brut, le pays, qui est le seul à bilan carbone négatif, espère désormais se doter d’une agriculture exclusivement biologique d’ici 2020.
Perchées dans les hauteurs himalayennes, le Bhoutan, petit pays bouddhiste situé entre la Chine et l’Inde, utilise le Bonheur National Brut depuis plus de 40 ans pour évaluer le bien-être de sa population.