Madagascar - crise politique à la veille d'élections présidentielles

par Alice Grinand. Collaboration spéciale.

Alors que la Grande Ile doit se rendre aux urnes d’ici la fin de l’année, une contestation populaire secoue le pays. Le feu aux poudres a été mis par une série de lois électorales passées en force par le gouvernement du président.

Le gouvernement du président Hery Rajaonarimampianina, du parti politique HVM (Hery Vaovaon'i Madagasikara), a fait passer début avril une série de lois électorales grandement contestées par l’opposition. Sur fond de soupçon de corruption, fléau récurrent sur la Grande Ile, les opposant-e-s à cette série de lois dénoncent en outre une tentative de musellement, alors que les prochaines élections présidentielles doivent avoir lieu d’ici la fin de l’année. Une manifestation populaire s’est tenue le samedi 21 avril. Face à la répression policière, 2 personnes y ont perdu la vie et 17 autres ont été blessées. Dès le lundi suivant, les partis d’opposition ont appelé à une manifestation pour dénoncer cette répression meurtrière. D’une contestation politique contre des lois électorales, le mouvement s’est ainsi transformé en mouvement pour la démission du chef de l’État. Depuis, les manifestations se tiennent presque quotidiennement dans les rues de la capitale du pays, Antananarivo, menées par les chefs d’opposition.

Des chefs de l’opposition en campagne

À la tête du TIM (Tiako i Madagasikara), Marc Ravalomanana, ancien chef de l’État malgache de 2002 à 2009, a été renversé par une mutinerie organisée par l’armée, et qui a permis à Andry Rajoelina, qui dirige le MAPAR (Miaraka Amin'i Presidà Andry Rajoelina), d’accéder au pouvoir. Alors maire d’Antananarivo, il a ainsi été président non élu d’une transition qui s’est étirée jusqu’en 2014. C’est Hery Rajaonarimampianina, le président actuel, qui lui avait alors succédé. Si les deux figures de l’opposition étaient autrefois adversaires, ils font aujourd’hui cause commune face au gouvernement, et ont chacun déclaré leur candidature pour l’élection présidentielle.

Une victoire pour les manifestant-e-s et le peuple malgache?

Depuis, la Haute Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays, a jugé plusieurs dispositions des textes contraires à la Constitution. Elle ne s’est pas prononcée sur la demande de destitution du président, mais a néanmoins exigé une convocation dans les plus brefs délais de la Haute Cour de Justice, à qui incombe le jugement du président en exercice et des anciens présidents. Pour tenter d’apaiser le climat politique actuel, la Haute Cour constitutionnelle a également ordonné la nomination d’un gouvernement d’union nationale, qui devra refléter proportionnellement les résultats des dernières législatives. Tâche plus compliquée qu’il n’y paraît, puisque plusieurs députés ont changé de parti au cours de leur mandat. Ce nouveau gouvernement devra notamment se charger de l’organisation d’élections présidentielles anticipées, qui devront se tenir entre mai et septembre plutôt qu’entre novembre et décembre. L’ONU et l’Union africaine ont également envoyé des médiateurs pour trouver une issue à ce trouble politique.

Malheureusement, le pays n’en est pas à sa première crise politique dans les dernières années, et c’est souvent au préjudice de la population, dans un contexte où 8 personnes sur 10 vivent dans des conditions d’extrême pauvreté et où la famine menace une grande partie de la population : 1 enfant sur 2 souffre de malnutrition.

Pourtant cette crise politique ne semble pas prendre en compte les besoins et les aspirations de cette population, mais seulement de l’oligarchie au pouvoir. La contestation populaire permet ainsi de nourrir les ambitions personnelles de quelques-uns. Néanmoins, le mécontentement est bien réel, même s’il paraît douteux qu’une sortie de crise se fasse au bénéfice de la population malgache.


Légende:Une mobilisation populaire menée par les chefs de l’opposition appelle à la destitution du président actuel, Hery Rajaonarimampianina. À qui profitera cette crise politique?