par alice grinand. collaboration spéciale.
Peu connus jusqu’à il y a peu, les Rohingyas ont fait tristement parler d’eux en août. L’armée du Myanmar (anciennement Birmanie) avait alors lancé une vaste opération militaire dans l’État de Rakhine, dans le nord-est du pays, là où réside la majorité de cette ethnie musulmane dans un État majoritairement bouddhiste. Ces éclats de violence, qui englobaient entre autres assassinats, violences sexuelles, incendies de leurs villages et tortures, ont forcé à l’exode plus de 700 000 personnes, qui ont pris le chemin du Bangladesh voisin.
La situation s’est-elle améliorée?
Depuis, le sort des Rohingyas ne s’est pas vraiment amélioré. D’après l’organisation Human Rights Watch, des photos satellites attestent de la destruction de dizaines de villages, rasés par des bulldozers, tandis que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU dénonce une campagne de « terreur et de famine organisée ». Chaque semaine, des centaines continuent de traverser la frontière, vivant alors dans des abris de fortune ou des camps surpeuplés. Et l’arrivée de la saison des moussons devrait encore empirer la situation sanitaire déjà préoccupante. D’autant que leur pays de destination, le Bangladesh, l’un des pays les plus pauvres, mais aussi les plus peuplés, dispose de capacités d’accueil limitées. Le pays a d’ailleurs refusé d’accorder le statut de réfugié aux Rohingyas, les laissant, encore, sans statut juridique. Celles et ceux qui sont resté-e-s vivent dans un système constituant une forme d’apartheid.
Quel soutien apporte la société civile?
Les organismes non gouvernementaux (ONG) et les diplomaties étrangères ne sont pas les bienvenus dans l’État de Rakhine, ce qui limite le soutien d’aide internationale. En outre, deux journalistes sont l’objet de poursuites pénales et emprisonnés pour avoir rendu compte des atrocités perpétrées contre les Rohingyas. Ils risquent 14 ans de prison pour avoir « violé le secret d’État ». Un message clair contre la presse et une atteinte sévère à la liberté d’expression. Mais le pays n’est plus à une violation des droits humains près. Il faut néanmoins souligner que plus tôt dans le mois, 7 militaires ont été condamnés à 10 ans de prison pour le massacre de Rohingyas, aux dires de l’armée birmane. Décision politique ou réelle volonté de punir les coupables?
Le Canada a-t-il un rôle à jouer?
Aung San Suu Kyi, première ministre de fait a été grandement critiquée pour son inaction face à cette catastrophe. Quelles étaient les raisons de ce silence? La peur face à la puissante armée myanmaraise ou d’un coût politique trop important en prenant la défense de cette minorité méprisée au sein de la population?
Par un jeu d’influence diplomatique, le Canada peut soutenir les Rohingyas dans leur triste sort pour favoriser une gestion de cette crise favorable à cette population vulnérable. La question a d’ailleurs été mise à l’ordre du jour de la prochaine rencontre des ministres des Affaires étrangères du G7 qui aura lieu la semaine prochaine à Toronto. Cette réunion est en préparation du prochain sommet de ce groupe qui réunit les 7 pays parmi les plus riches de la planète, qui aura lieu en juin au Québec. Un rapport finalisé par Bob Rae, envoyé spécial du gouvernement fédéral au Myanmar, plaide également pour que le Canada ouvre ses portes aux réfugié-e-s rohingyas.
Les autorités du Myanmar affirment être prêtes à accueillir de nouveau les Rohingyas, et ont d’ailleurs médiatisé le retour d’une première famille. Mais au-delà de l’aspect logistique, c’est également un travail de fond sur les mentalités qui garantira un retour pacifique de cette population, aujourd’hui le plus grand peuple apatride au monde.
Légende :
Les Rohingyas fuient massivement le Myanmar : plus de 700 000 personnes auraient traversé la frontière vers le Bangladesh voisin depuis les éclats de violence en août dernier.
Crédit : Wikimédia Commons