Égypte: la révolution déchue

par alice grinand. collaboration spéciale.


Les Égyptien-ne-s étaient appelé-e-s aux urnes du 26 au 28 mars, pour élire leur président. Sans surprise, c’est le président sortant, Abdel Fattah Al-Sissi, le grand vainqueur du suffrage, récoltant pas moins de 97% des voix.

Comment expliquer ce score?

C’étaient des élections qui n’en étaient pas vraiment! Tous les opposants plus ou moins sérieux ont été exclus ou ont renoncés, et le seul adversaire du président Al-Sissi, au pouvoir depuis 2013, était Moussa Mostafa Moussa…un partisan de Sissi! Mais finalement, ce résultat incroyable pour nos yeux occidentaux est presque une défaite : un taux de participation à 41,5%, soit en deçà des élections de 2014, qui avaient atteint 47% de participation. 22 millions de voix, sur les quelque 96 millions d’habitants que compte l’Égypte : le plébiscite n’est pas aussi complet que les chiffres ne le laissent paraitre. Pourtant, le gouvernement n’a pas fait l’économie de mesures incitatives : menaces d’amendes pour les abstentionnistes, diffusion de chants patriotiques voire même distribution de repas gratuits devants des bureaux de vote.

Comment Sissi est-il arrivé au pouvoir?

Mohamed Morsi, élu en 2012 au lendemain de la révolution égyptienne, a à peine eu le temps de promulguer une Constitution qui élargissait grandement ses prérogatives que la rue le mettait dehors. Le maréchal Al-Sissi, alors chef des armées, profita de ce désordre pour faire un coup d’État plus ou moins avalisé par la population égyptienne, et prendre le pouvoir. Il a à son tour promulgué une Constitution en 2014, qui renforçait d’autant plus les mandats présidentiels. Depuis, il dirige l’Égypte de façon autoritaire.

Qu’est-ce que la révolution égyptienne?

La révolution égyptienne a commencé le 25 janvier 2011 autour de la désormais symbolique place Tahrir au Caire, dans l’émulation des révoltes du Printemps arabe. Le mot d’ordre «Pain, justice, dignité» rassembla l’Égypte sur la place du Caire pour chasser le président Moubarak, alors en place depuis presque 30 ans. 850 morts et 18 jours plus tard, le peuple égyptien obtenait gain de cause, et Moubarak se vit destituer. Mohamed Morsi, membre des Frères musulmans, un groupe islamiste, lui a succédé en 2012, suite à la tenue des premières élections démocratiques dans le pays, pour se faire à son tour renverser par la rue un an plus tard et remplacer par Sissi.

Que reste-t-il de la révolution égyptienne?

Depuis l’arrivée de Sissi au pouvoir en 2014, le gouvernement égyptien s’est engagé dans des réformes structurelles imposées par le Fonds Monétaire international (FMI) et les produits de première nécessité, comme le pain, l’huile, le gaz ou l’essence, autrefois subventionnés, ont vu leur prix grimper, alors qu’un quart du pays vit sous le seuil de pauvreté. Le pays est également placé en état d’urgence depuis avril 2017.

La révolution, qui a eu lieu il y a 7 ans, ne semble qu’un lointain souvenir. Répression massive des opposants politiques - on estime à 60 000 le nombre de prisonniers politiques, même s’il est difficile d’obtenir des chiffres fiables - liberté d’expression plus que menacée, une économie en berne... Pour les espoirs nés de la révolution, c’est la traversée du désert...


Légende: Le temps de la révolution égyptienne qui, il y a 7 ans, chassait du pouvoir le président Moubarak, semble bien révolu.

Crédit: Wikimédia Commons