par alice grinand
Vladimir Poutine a été réélu, sans surprise, le 18 mars dernier, pour son quatrième mandat. Son élection en tant que telle n’était pas, à juste titre, considérée comme un enjeu et le président russe ne s’est d’ailleurs pas, ou peu, embarrassé de faire campagne. Il est parvenu à obtenir un plébiscite certain de la population, puisque 67% de la population s’est rendue aux urnes et 76,66% des suffrages exprimés étaient en faveur de Vladimir Poutine. Les résultats ne nous disent cependant rien des fraudes, des pressions et de la propagande et de la désinformation nécessaires à ce score.
Pourtant, malgré les 18 ans de « cohabitation », il semblerait que les puissances occidentales aient du mal à cerner ce personnage, peut-être parce qu’elles cherchent à le lire avec leurs propres codes, alors que celui-ci, justement, les récuse. Il semble en effet que Poutine se voit comme l’un des pôles de résistance face à l’impérialisme qu’incarne l’Occident, les États-Unis en tête, toujours à la recherche des meilleurs moyens d’exporter son modèle démocratique et ses « valeurs universelles ». Pour mieux comprendre la logique stratégique qui anime la Russie sur le plan international, on pourrait dire qu’elle cherche, bien davantage que les États-Unis, à défendre un monde multilatéral, plutôt que global.
Derrière les beaux discours, il faut aussi prendre en considération les intérêts économiques et militaires. Ceux-là mêmes que les Occidentaux cherchent tout autant à défendre sur la scène internationale. D’un côté comme de l’autre, l’argent n’a, semble-t-il, pas d’odeur. Car si on accuse souvent Vladimir Poutine de constituer une menace, reste à savoir si la stratégie de défense de Moscou est plus offensive que défensive. Par le truchement de l’OTAN, les États-Unis, chef de file de l’Occident, mènent une politique d’expansion de leur influence politique, économique et militaire, jusqu’aux frontières de la Russie. Pologne, Lettonie, Lituanie, Estonie étant maintenant membres de l’OTAN, faut-il s’étonner que la Russie ait vu comme une menace insupportable le rapprochement ukrainien avec l’OTAN ?
À l’inverse, est-ce légitime pour les États-Unis de considérer Moscou comme une menace? Le Canada ou le Mexique ne s’acoquinent pas avec « la menace rouge » qu’incarne Moscou aux yeux de Washington. En outre, il est peu probable que la Russie ait les moyens, tant militaire que financier, de gagner sur le terrain militaire, tant la supériorité des États-Unis parait évidente, entretenue notamment par des investissements massifs.
Une chose est sûre concernant Poutine, d’un point de vue occidental: il est désarçonnant, et rien ne semble surprenant venant de sa part. C’est peut-être ce qui fait de lui notre meilleur ennemi, et donc le meilleur ami de nos budgets militaires.
Légende : Au-delà de la rhétorique habituelle autour de la « menace » que représente la Russie, que savons-nous vraiment des intentions qui habitent la stratégie de Vladimir Poutine sur la scène internationale?
Le discours de Poutine:
Poutine base ainsi son discours sur le respect de la souveraineté des États, et se veut défenseur des principes de non-ingérence, d’intégrité territoriale ou encore du libre arbitre quant au système politico-économique. Ainsi, on l’a vu dénoncer l’instrumentalisation de la «responsabilité de protéger» qui a justifié l’intervention militaire et la chute de Kadhafi en Libye. De même, il a dénoncé le soutien étranger (États-Unis, Turquie, Arabie Saoudite, etc.) à des mouvements rebelles opposés au régime « légitime » en Syrie et affirmé en conséquence son soutien à Bachar Al-Assad.
Pourtant, on pourrait contre-arguer qu’il a bel et bien soutenu le «camp» des rebelles en ce qui concerne la Crimée, cette région annexée par la Russie en 2014, auparavant dans le giron ukrainien. Son argumentaire se basait alors sur le droit des peuples à l’autodétermination, le peuple de Crimée s’étant, aux yeux de Moscou, exprimé lors d’un référendum, non reconnu par les puissances occidentales.