par jean-marc lord. collaboration spéciale.
Depuis le 20 janvier dernier, les bombes pleuvent sur le Rojava presque dans l’indifférence générale. Le Rojava, c’est une région du nord de la Syrie où les populations ont mis sur pied en 2013 un gouvernement autonome et démocratique. Pourquoi les Turcs s’en prennent-ils au Rojava ? Et pourquoi la communauté internationale est-elle si silencieuse face à cette agression de l’armée turque ?
Qui habite au Rojava ?
Le Rojava est peuplé principalement de Kurdes. Le mot « Rojava » signifie d’ailleurs « Kurdistan de l’ouest ». Les Kurdes sont un peuple d’environ 40 millions d’habitants répartis principalement dans 4 pays de la région (Syrie, Turquie, Irak et Iran). Peuple millénaire, mais sans État, les Kurdes sont habituellement discriminés partout où ils vivent. Mais il n’y a pas que des Kurdes au Rojava. La population totale d’environ 4 millions d’habitants se répartie entre les Kurdes (60 %), les Arabes et les Turkmènes, de confession et de langues diverses.
Qu’est-ce que le Rojava a de particulier ?
Après le départ en 2013 des forces de Bachar al Assad, les habitants du territoire ont proclamé une zone d’administration autonome et démocratique de type fédéral. Alors que sous Bachar al Assad, l’arabe était la seule langue autorisée, le Rojava reconnaît trois langues officielles, l’arabe, le kurde et le syriaque. La constitution du Rojava affirme le caractère laïc du gouvernement et tout le système mis en place favorise la participation démocratique du plus grand nombre, peu importe la religion, l’ethnie, la langue ou le sexe. C’est ainsi qu’il s’est formé au Rojava des milliers de communes composées d’un nombre égal d’hommes et de femmes pour veiller au bon fonctionnement des villages, des villes ou des quartiers. Ces communes délèguent un nombre égal d’hommes et de femmes au parlement régional de chacune des trois entités membres de la fédération. Bref, le projet social et politique des populations du Rojava est inclusif, laïc et démocratique. Un modèle inspirant assez rare dans cette région du monde…
Pourquoi les Turcs bombardent-ils le Rojava ?
Qu’ils habitent la Syrie, l’Irak, l’Iran ou la Turquie, les Kurdes ont toujours revendiqué pour leur peuple un État ou à tout le moins une autonomie leur permettant de s’épanouir dans leur langue et leur culture. Mais les pays concernés refusent d’accorder l’autonomie et des pouvoirs politiques aux Kurdes craignant que ceux-ci en profitent pour proclamer leur indépendance et la partition du territoire.Les Kurdes du Rojava n’ont rien fait de mal, au contraire! Mais pour la Turquie, le seul fait que des Kurdes puissent gérer de manière autonome un territoire aussi grand que le Rojava est vu comme une menace à leur sécurité. Pour éviter que cet exemple d’autonomie des Kurdes (même si le projet social et politique du Rojava inclut les Arabes et d’autres communautés) se propage et « infecte » la Turquie, il vaut mieux tenter de le détruire.
Une situation à dénoncer
Alors que les Kurdes ont apporté un soutien inestimable à la coalition menée par les Américains, et même aux Russes en combattant très efficacement l’État islamique, ils ne reçoivent en ce moment qu’un appui très « mou » de la communauté internationale devant l’agression injustifiée des Turcs. À peine appelle-t-on la Turquie à la retenue… Combien de morts et de destructions faudra-t-il que les Kurdes et les Syriens endurent avant que le Canada et les autres membres de la communauté internationale ne réagissent et dénoncent l’agression turque?