par alice grinand. collaboration spéciale.
Malheureusement, et sans surprise, 2017 se place dans la continuité des 30 dernières années: les inégalités continuent leur progression, devenant chaque année un peu plus criantes et insupportables. Et les premières à en souffrir sont encore et toujours les femmes.
Quelle est l’ampleur de ces inégalités?
Selon un rapport annuel d’OXFAM, 82% de la croissance des richesses qui ont été créées dans le monde en 2017 ont bénéficié aux 1% les plus nantis: l’année qui vient de s’achever a connu la plus forte progression du nombre de milliardaires en un an. Et c’est ainsi qu’une nouvelle personne devenait milliardaire, en dollars américains, tous les 2 jours, pendant que les 50% les plus pauvres de la planète voyaient leur situation stagner. Par exemple, aux États-Unis, un PDG gagnera en un peu plus d'une journée de travail ce que gagne une travailleuse ou un travailleur ordinaire en un an.
Inégaux face aux inégalités?
Sur 10 ultra-riches de ce monde, 9 sont des hommes. Les femmes sont les premières à souffrir des inégalités. Les hommes détiennent, de façon largement majoritaire, le capital, comme les terres ou les actions. Et les femmes sont largement surreprésentées dans les emplois les moins bien rémunérés et les plus précaires. Ainsi, alors que les milliardaires voyaient leur fortune augmenter de 762 milliards de dollars, le rapport d’OXFAM a estimé le travail de soin non rémunéré réalisé par les femmes à 10 000 milliards de dollars.
Au-delà des inégalités de genre, certaines personnes naissent avec une cuillère plus dorée que d’autres dans la bouche. Dans les deux prochaines décennies, 500 personnes parmi les plus riches au monde transmettront plus de 2 400 milliards de dollars à leurs héritiers, cela représente plus que le PIB de l'Inde! Selon le rapport d’Oxfam, environ les deux tiers de la fortune des milliardaires seraient le résultat d'héritages, de monopoles et de situations de connivence. De quoi briser le rêve américain et le mythe du mérite.
Les inégalités, un obstacle à l’élimination de l’extrême pauvreté?
Les richesses engrangées par les milliardaires correspondent à plus de sept fois le montant qui permettrait de mettre fin à la pauvreté extrême dans le monde. L’extrême pauvreté, qui considère les personnes vivant avec moins de 1,90 dollar par jour, est en déclin, et a même été divisée par 2 entre 1990 et 2010. Néanmoins, on estime que les inégalités ont empêché 200 millions de personnes de sortir de la pauvreté, et ce chiffre aurait même pu grimper à 700 millions si la croissance économique avait profité également à toutes les populations. Au Canada seulement, les milliardaires ont vu leur fortune augmenter de 28 milliards de dollars. Une somme suffisante pour permettre à 4,9 millions de Canadiens et Canadiennes de s’élever au-dessus du seuil de pauvreté.
Un problème insolvable?
Les solutions sont très nombreuses, mais elles nécessitent toutes d’admettre que les inégalités ne sont pas une fatalité, mais bien le résultat de décisions politiques les favorisant. Par exemple, en s’engageant contre les paradis fiscaux, les gouvernements de ce monde pourraient récupérer 7600 milliards de dollars, que les grandes fortunes dissimulent aux autorités fiscales... un sacré pactole! Ainsi, si le gouvernement du Québec est parvenu à un surplus budgétaire de 2,5 milliards d’excédent, c’est principalement en coupant dans les services publics. Pourtant, l’affaiblissement des services publics favorise les inégalités, et touche particulièrement les femmes. En régulant nos économies et notre fiscalité au service des humains plutôt que du capital, les inégalités pourraient en prendre un sacré coup.