par daniel landry
En mars 2013, le charismatique président du Venezuela, Hugo Chávez, décède du cancer après 14 années au pouvoir. Le monde entier est sous le choc, particulièrement la gauche latino-américaine qui perd son leader dans la lutte aux politiques néolibérales et aux abus de l’impérialisme américain. Rappelons qu’en 1999, suite aux programmes d’ajustement structurel du FMI, un Vénézuélien sur deux vivait dans la pauvreté et un sur cinq dans l’extrême pauvreté. Cette lutte de Chávez quand il prend le pouvoir – la Révolution bolivarienne – c’est une lutte populaire visant à combattre les inégalités et injustices si flagrantes en « Terre de Grâce ». Mais aujourd’hui, la question se pose : l’héritage chaviste survit-il à la mort de son leader?
Succès de la Révolution bolivarienne?
La communauté internationale pose un regard mitigé sur l’héritage Chávez. Sous sa gouverne, de nombreuses politiques ont été mises en place pour favoriser les populations les plus démunies : redistribution des terres, nationalisation du pétrole et distribution d’une rente pétrolière aux milieux populaires, mise en place de programmes d’éducation, ententes avec Cuba pour recevoir des médecins contre du pétrole. Chávez se bâtit alors une immense popularité, aidé par son charisme légendaire, mais surtout par une période de prospérité favorable au régime. Rappelons que le prix du baril de pétrole passe de moins de 18 dollars américains à près de 97 dollars américains entre 1999 et 2008. Cette donnée n’est pas négligeable quand on pense que le Venezuela possède au moins 20 % des réserves mondiales en pétrole.
En contrepartie, bien que les réformes entamées par Chávez aient été un relatif succès, il n’en demeure pas moins que le Comandante demeure un personnage contesté. À droite, on l’accuse de s’être accroché au pouvoir lors du référendum constitutionnel de 2007 qui visait à supprimer la durée prédéterminée de son mandat. On l’accuse également de réprimer constamment l’opposition, notamment les médias trop critiques de son régime. À gauche, on l’accuse d’avoir bâti ses réformes sur le dos de l’exploitation pétrolière et de n’avoir entamé aucune transition énergétique.
Dérives de Maduro?
Avant de décéder, Chávez avait lui-même désigné son successeur, son vice-président Nicolás Maduro. Ce dernier peine aujourd’hui à se maintenir au pouvoir. Il a remporté l’élection présidentielle de 2014 par un vote extrêmement serré. Depuis, la conjoncture économique difficile rend sa présidence cauchemardesque. Les prix du pétrole ont chuté. Pour conséquence, les Vénézuéliens sont aux prises avec une inflation galopante (prévision de 720 % pour l’année 2017) qui guide le pays vers une crise alimentaire sans précédent. Pas surprenant dans ce contexte que les idéaux de participation populaire de l’époque chaviste cèdent le pas à des impératifs alimentaires. Les prix du poulet, du riz, de la farine, du beurre et du lait ne cessent de croître.
Qui plus est, depuis les élections législatives de 2015, une crise des institutions touche le pays. D’une part, le pouvoir législatif ne reconnaît plus la légitimité du président, n’acceptant d’ailleurs pas les résultats – jugés truqués – des élections régionales d’octobre dernier (favorables au mouvement chaviste). D’autre part, le président Maduro plaide pour le remplacement pur et simple de l’Assemblée nationale par une Assemblée constituante favorable à ses politiques.
Défis imposants
Au-delà de la crise institutionnelle, le pays connaît des tensions immenses liées à la pauvreté et à la violence. Dans ce contexte, la révolte contre le gouvernement Maduro est double. C’est premièrement celle des élites de droite qui se sentent trahies depuis presque deux décennies et qui souhaitent se réapproprier le pouvoir et leurs privilèges. Mais c’est surtout celle d’une population affligée par la pauvreté qui semble perdre espoir dans les promesses du chavisme. En s’accrochant au pouvoir, Maduro ne peut qu’exacerber une crise déjà bien entamée. Mais en laissant celui-ci à l’opposition, il contribuerait à la recréation de la société inégalitaire des années 1990. Les défis du Venezuela sont imposants, mais le clivage entre les deux tendances politiques crée un dialogue de sourds.