Que se passe-t-il au Myanmar (ex-Birmanie) ?

PAR ALICE GRINAND. COLLABORATION SPÉCIALE.


Le pays asiatique, qui partage ses frontières avec la Chine, le Bangladesh et la Thaïlande, se voit être actuellement le théâtre d’une horreur qui en trouve pas ses mots : génocide, crimes contre l’humanité, ou encore nettoyage ethnique …une chose est sûre, c’est une véritable crise humanitaire.

Depuis les attaques d’une trentaine de postes de police par des militants pro-Rohingyas le 25 août dernier, les violentes répressions par l’armée birmane ont amené la population rohingya à s’exiler massivement. Les chiffres, qui ne cessent de se gonfler, dévoile une vérité tragique : 400 morts et plus de 125 000 Rohingyas ont fui leur pays pour se rendre au Bangladesh voisin, où ils étaient déjà 400 000, résultat de précédentes vagues de violence. Ils seraient également 20 000 bloqués à la frontière, puisque, face à cet afflux massif qu’il se voyait incapable de gérer, le Bangladesh a fermé cette frontière poreuse.

Les Rohingyas sont une minorité ethnique de confession musulmane, dans un pays à 90% bouddhiste. Considéré comme l’un des peuples les plus persécutés au monde par l’ONU, ils sont considérés par la Birmanie comme des immigrants illégaux. Certain.e.s y habitent pourtant depuis plusieurs générations. C’est en 1982 que ce quelque million de personnes se sont vues échues de leur nationalité birmane : une loi promulguée exigeait aux groupes ethniques de prouver leur présence sur le territoire avant 1823, soit avant la guerre anglo-birmane qui a conduit à la colonisation du pays.

Principalement situés dans l’État d’Arakan, dans le nord-ouest du pays, ces apatrides souffrent de conditions de vie précaires, flirtant avec un apartheid : leur accès à un travail, à l’éducation, aux soins et même à l’alimentation leur est limité. Mais les violations de leurs droits humains ne s’arrêtent pas là : les forces de sécurité birmanes sont accusées de nombreuses violences à l’encontre des Rohingyas : viols systématiques, meurtres et incendies criminels… C’est notamment ce qu’a conclu un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, publié en février dernier. Dans ce rapport, l’ONU estimait que les exactions de l’armée birmane s’apparentent à des crimes contre l’humanité.

Malgré leurs conditions de vie éprouvantes et leur marginalisation, les Rohingyas n’avaient jusqu’à octobre dernier jamais recouru aux armes. Certains insurgés, au nom de l’ARSA (l’Arakan Rohingya Salvation Army), s’en sont alors pris à la police pour, selon eux, protéger leur minorité ethnique contre la persécution des forces de sécurité. La réaction de l’armée ne se fit pas attendre, et une « opération de nettoyage » fut rapidement mise en branle.

Depuis lors, les services d’aide humanitaire ont été suspendus, tout comme les distributions du Programme d’alimentation mondial. 250 000 personnes, déplacées ou vulnérables, seraient affectées par ces suspensions d’après le bureau des Nations-Unies pour la coordination des affaires humanitaires. Inquiétées par ces détériorations, un consortium de seize organisations internationales (dont Oxfam et CARE) présentes dans le pays a publié un communiqué afin de rappeler les principes humanitaires au gouvernement birman.

Celui-ci, et notamment Aung San Suu Kyi, première ministre de fait et ancienne opposante à la dictature militaire, dément tout nettoyage ethnique à l’encontre des Rohingyas et dénonce un « iceberg de désinformation ». Arrivée au pouvoir après cinq décennies de dictature militaire, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix en 1991, doit toujours s’accommoder de l’armée birmane, la Tatmadaw, qui est encore très puissante, notamment dans les zones où vivent les minorités ethniques.