PAR RENÉ LORD. COLLABORATION SPÉCIALE.
Pour Régina Allen, présentée dans un reportage de France 2, les combats sont la cause de la famine au Soudan du Sud. Cette jeune mère d’une petite fille d’un an et demie raconte : « Je n’arrivais plus à nourrir mon enfant. Nous avions l’habitude de cultiver nos champs. Nous avions de la nourriture. Mais depuis que les combats ont commencé, on n’y arrivait plus. »
Régina et sa fille sont actuellement réfugiées au camp de Bentiu dans le nord du pays. Avec 120 000 personnes, elles profitent d’une aide de subsistance en plein cœur d’une région où la famine sévit.
La population du Soudan du Sud souffre des conséquences d’une guerre civile qui s’éternise depuis 2013, un conflit odieux où toutes les factions en présence bafouent allégrement les droits de la personne et les droits de la guerre. L’aide humanitaire arrive au compte-goutte parce que les travailleurs, comme le spécifie l’ONU, sont « soit menacés, arrêtés, détenus, attaqués et même parfois tués », comme ce fut le cas pour six d’entre eux en mars. L’atrocité des combats et leur clivage ethnique prononcé conduisent des officiels à parler de plus en plus de génocide comme l’a déclaré la secrétaire d’État au Développement international britannique Priti Patel. L’ONU souligne, par ailleurs, « des violences sans relâche » alors que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme dénombre pas moins de 114 assassinats commis par les forces gouvernementales.
Si l’aide humanitaire est entravée, la volonté politique de la communauté internationale stagne. On se rappellera que le Conseil de sécurité de l’ONU a rejeté en décembre une résolution des États-Unis prônant un embargo sur les armes destinées à cette région de l’Afrique.
Par contre, le Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU au Soudan du Sud dénote des signes d’évolution dans l’attitude gouvernementale qui s’engage dans un « dialogue national ». Cette initiative coïncide avec le début de la saison des pluies qui rendra les routes impraticables.
Que les combats soient responsables de la famine, cela semble évident pour les observateurs. Par contre, le mouvement Action contre la faim évoque aussi l’effet des changements climatiques comme un autre sujet d’inquiétude associé à l’approvisionnement alimentaire. Le président du mouvement, Thomas Ribémont, affirmait, dans une tribune de Libération, que la faim est pourtant un problème soluble puisque la planète produit ce qu’il faudrait pour nourrir 12 milliards de personnes alors que nous sommes actuellement 7,5 milliards. Il rappelle que « le patrimoine des 1 % plus riches au monde a dépassé en 2015 celui des 99 % restants ». La réalité affiche des statistiques implacables, toujours selon Action contre la faim : 800 millions d’individus, soit près de 11 % de la population de la planète, souffrent de la faim. Un enfant en meurt toutes les 30 secondes !
Pour Thomas Ribémont, il est possible de mettre un terme à ce fléau, si les hommes prennent les mesures pour régler les conflits, pour faire respecter les règles si la guerre est inévitable. Il importe surtout, selon lui, de travailler massivement à éradiquer la pauvreté et les inégalités, de prôner une agriculture écologique à dimension familiale, et de mettre en place une gouvernance plus juste. Utopie ? Ribémont croit à la mobilisation citoyenne, celle des individus et des collectivités, pour faire prendre conscience à nos gouvernants « que la faim est une ignominie et que détourner le regard est un crime ». À méditer.