par claude lacaille. collaboration spéciale.
Le Salvador, le plus petit pays d’Amérique centrale, vient de poser un geste historique : il est le premier à interdire les mines d’or et de métaux sur son territoire. La loi a pour objectif de protéger le fragile écosystème du pays salvadorien, déjà grandement menacé.
« Aucune institution, norme, acte administratif ou résolution ne pourra autoriser la prospection, l’exploration, l’extraction ou le traitement de produits métalliques au Salvador » : c’est dans ces termes que la loi a été votée, le 29 mars dernier par l’ensemble des partis au Parlement, et publiée dans le journal officiel. Le texte a été adopté à une forte majorité, puisque 69 députés sur 84 ont appuyé la législation. La loi interdit également l’utilisation de cyanure et de mercure dans les activités minières, jusqu’alors employés pour l’extraction des minerais et en grande partie responsables des dommages causés à l’environnement.
Cette loi a abouti au Parlement après des années de luttes de défense de l’environnement et des communautés, qui sont lourdement affectés par l’industrie. Selon l’ONG Mining Watch Canada, le Salvador est, après Haïti, le deuxième pays le plus déboisé des Amériques et 96% de ses eaux sont contaminées. Le fleuve Lempa, artère vitale du pays, serait menacée si l’on continuait ainsi à ravager l’environnement. La population salvadorienne, en plus de ses propres expériences négatives, a pu observer les dommages causés par l’industrie extractive durant les dernières décennies au Guatemala et au Honduras.
« L’industrie minière n’est pas appropriée pour réduire la pauvreté et les inégalités dans ce pays, affirme le directeur national d’Oxfam, M. Ivan Morales. Ça ne ferait qu’exacerber les conflits sociaux et le degré de pollution de l’eau qui existe déjà. »
L’eau plutôt que l’or
Depuis la signature en 2004 du Traité de libre-échange entre les États-Unis et les pays d’Amérique centrale (CAFTA), le Salvador a vu les activités des multinationales s’intensifier : les investissements directs étrangers sont passés de 30 millions à 5,9 milliards de dollars entre 1992 et 2008, mais la manne ne profitait aucunement aux populations locales. « Non à la mine. Oui à la vie », c’est derrière ce mot d’ordre que ce sont ralliés des associations d’écologistes, des Églises et des défenseurs des droits humains ainsi que les communautés locales. Plusieurs militants y ont laissé la vie.
C’est notamment une bataille juridique, l’opposant à une entreprise canado-australienne, qui a incité le Salvador à légiférer contre les mines. L’entreprise canadienne Pacific Rim, depuis devenue filiale d’Oceana Gold, s’est vu refuser en 2008 un permis d’exploitation minière pour raisons environnementales. La compagnie n’a pas souhaité en rester là, et a intenté un procès au Salvador pour 250 millions de dollars. Si la multinationale a finalement été déboutée en 2016 par le Centre international de règlements des conflits relatifs aux investissements affilié à la Banque mondiale, le procès a néanmoins coûté 12 millions de dollars au gouvernement du Salvador – l’équivalent pour le pays de deux ans de cours d’alphabétisation pour 140 000 personnes.
Le Dr Guillermo Mata, député qui dirige la Commission sur l’environnement et les changements climatiques et parrain de cette loi, déclare : « Nous avons entendu la clameur du peuple ». Le gouvernement salvadorien a su privilégier les intérêts de son peuple et de son territoire plutôt que celui des industries minières. Le petit pays d’Amérique centrale sera-t-il le précurseur d’une longue série?