DES INÉGALITÉS INJUSTIFIABLES

par jean-marc lord, collaboration spéciale


Pourquoi parle-t-on aujourd’hui autant de l’accroissement des inégalités? C’est que selon plusieurs organisations internationales, le phénomène prend de l’ampleur et serait responsable de nombreux problèmes parmi lesquels la montée du populisme et de l’intolérance, dont l’élection de Donald Trump aux États-Unis et le Brexit en Grande-Bretagne.

Quelle est l’ampleur du problème?

Depuis environ 30 ans, les riches deviennent chaque année plus riches et les pauvres encore plus pauvres. OXFAM nous apprenait le 16 janvier dernier que les 8 personnes les plus riches du monde possèdent aujourd’hui autant de richesses que la moitié de l’humanité la moins nantie. Huit personnes qui en valent autant que 3,6 milliards. À l’inverse, il y a actuellement dans le monde, environ 2,5 milliards de personnes contraintes de survivre avec moins de 2$ par jour.

Le chroniqueur économique Gérald Fillion nous apprenait le 25 janvier dernier qu’aux États-Unis, le revenu moyen des 1 % de gens les plus riches du pays (en dollars de 2014) a augmenté de 205 % entre 1980 et 2014. Mais à l’inverse de ces ultras riches, le 50 % d’Américains les moins nantis a vu son revenu moyen augmenter de… 0 %.

Pourquoi les inégalités augmentent-elles?

De 1946 jusqu’à environ 1975, les entreprises utilisaient une plus grande part des profits qu’elles réalisaient pour les réinvestir en recherche et développement, moderniser les équipements et… augmenter les salaires des employés. Les impôts des entreprises étaient beaucoup plus élevés à cette époque qu’aujourd’hui. Cette tendance s’est malheureusement inversée à partir de 1980. Des vagues de déréglementations ont poussé les entreprises à viser de plus en plus le bénéfice maximal pour les actionnaires, des salaires exorbitants pour les hauts dirigeants, et des délocalisations dans les pays où les salaires sont plus bas et les impôts au minimum. Alors qu’auparavant, la croissance des entreprises et de l’économie en général profitaient aussi dans une certaine mesure aux travailleurs, cette croissance est désormais accaparée en grande partie par les actionnaires et les hauts dirigeants.

Quels sont les problèmes que ça crée?

Les inégalités engendrent des coûts très importants et sont contre-productives : diminution de la croissance économique, appauvrissement des classes moyennes et des plus pauvres, perte de confiance dans les élites politiques et économiques, montée du populisme, recrudescence de la criminalité, augmentation des coûts de santé, décès prématurés, instabilité sociale, politique et économique, pour ne nommer que les effets les plus pervers. À l’extrême, les inégalités sont aussi à l’origine de guerres civiles et de conflits, en plus de favoriser l’émergence et la croissance du terrorisme.

Quand des institutions comme l’ONU, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, l’OCDE, ou le Forum économique de Davos, en viennent à affirmer eux aussi que le niveau des inégalités dans le monde atteint un seuil si critique qu’il en est dangereux et devient nuisible pour l’économie, la stabilité et même la démocratie, c’est probablement parce qu’il est grand temps d’agir…

Quelles sont les solutions?

Les solutions existent et plusieurs d’entre elles ont même été appliquées avec succès dans le passé. Elles vont toutes dans le sens d’un meilleur partage de la richesse. Éliminer les paradis fiscaux, imposer et taxer davantage les personnes et les entreprises les plus riches, réinvestir dans les services sociaux, la santé et l’éducation, les allocations de chômage, augmenter le salaire minimum, instaurer une taxe de 0,05 % à 0,2 % (la taxe Tobin) sur les transactions financières internationales, etc. L’économiste Thomas Piketty propose en plus d’instaurer une taxe minime de 1 % sur la richesse pour ceux et celles qui possèdent un patrimoine d’au moins 1,5 million de dollars.