par olivier gamelin, collaboration spéciale
La guerre civile en Libye
Lorsque le président américain Barack Obama, épaulé par sa Secrétaire d’État Hillary Clinton, donnèrent le feu vert à une intervention militaire occidentale en Libye en 2011, se doutaient-ils qu’ils écrivaient-là le premier chapitre d’un chaos qui, quelques années plus tard, mettrait le feu aux poudres du Sahel, participerait à la naissance de l’État islamique et entraînerait ce territoire maghrébin dans la guerre civile ? Nous n’avions « pas de plan pour le lendemain », avoue candidement Obama, « le lendemain » étant l’exécution publique du dictateur Mouammar Kadhafi.
L’objectif premier de l’intervention américaine était de buter Kadhafi en dehors du trône afin d’empêcher le dictateur de s’en prendre à sa propre population. Cela dit, cinq ans après les bombardements occidentaux, la Libye patauge toujours dans un bouillon explosif aux accents des Kalachnikov.
Dès 2011, près de 800 000 Libyens fuyaient le pays, alors que 2 millions d’autres trouvaient refuge en Tunisie voisine. Seulement en 2014, plus de 60 000 personnes ont tenté de traverser leur misère en Italie, située à moins de 350 kilomètres des côtes, décuplant le flot ininterrompu de migrants qui souhaitent rejoindre l’Europe. Selon Amnistie internationale, 2,5 millions de Libyens ont actuellement besoin d’une aide humanitaire d’urgence, sans compter les milliers de migrants qui, en provenance du Sahel, sillonnent la Libye dans l’espoir de jours meilleurs.
Depuis la chute de Kadhafi en octobre 2011, aucun État organisé n’a émergé du sable libyen. En d’autres mots, l’anarchie souffle comme l’harmattan sur les principales villes du pays, dont Benghazi, deuxième plus importante agglomération. Additionnées aux milices rivales, tribus touareg, mercenaires désaffiliés, clans traditionnels et autres groupuscules armés qui défendent chacun leurs intérêts, plusieurs factions se disputent l’avenir de ce désert de 1,7 millions de kilomètres carrés.
D’abord le parti du gouvernement d’union nationale, dirigé par Fayez Sarraj et soutenu par les Occidentaux et les Nations Unies. En mars dernier, Sarraj assoyait une autorité de papier sur la capitale, Tripoli, après des mois passés en exil forcé. Son objectif, et non le moindre : pacifier la Libye. Puis les fidèles du chef de guerre Khalifa Haftar, commandant laïc de l’Armée nationale libyenne, qui reconnaît peu ou prou la légitimité de Sarraj. En septembre dernier, Haftar expulsait les djihadistes en dehors du croissant pétrolier libyen, huitième réserve d’or noir de la planète. Troisième regroupement en lice : l’ex-général Khalifa Al-Ghwell, dirigeant du mouvement Aube de la Libye, d’allégeance islamique. Le 14 octobre, les hommes d’Al-Ghwell investissaient le siège du Conseil d’État situé au cœur de la capitale. Pas tout à fait un coup d’État, mais un fait d’arme qui fait craindre une flambée de la guerre civile. Enfin, les bandes criminelles, dont l’État islamique et Al-Qaïda, qui se disputent le palmarès de l’horreur et commandent la pluie et le beau temps à travers le pays.
Une situation explosive, en somme, qui résulte principalement du « lendemain » incertain de l’administration américaine. Sur le terrain, un « plan du lendemain » tarde à se mettre en place. Chose certaine, en attendant, les pays qui ont participé à l’intervention militaire en 2011, dont le Canada, les États-Unis, la France, l’Italie et le Royaume-Uni, pourront se questionner sur le mode de règlement des conflits utilisé en Libye, un mode coûteux financièrement et humainement parlant. Pour l’heure, une question demeure : entre deux maux, entre Kadhafi et l’enlisement de la guerre civile, certains Libyens auraient-ils choisi le moindre ?