par olivier gamelin, collaboration spéciale
La prochaine cible ?
Depuis l’attentat terroriste qui a secoué le Burkina Faso en janvier 2016, la poussière est retombée sur Ouagadougou. Malgré le calme relatif qui règne dans les rues de la capitale burkinabé, le voisin sénégalais demeure pourtant sur le qui-vive. Seul pays de l’Afrique de l’Ouest à ne pas avoir ressenti les soubresauts djihadistes, le Sénégal se prépare en effet au pire. Mais la menace terroriste est-elle réellement imminente là davantage qu’ailleurs? Sans céder à la panique, le contexte géographique et les relations diplomatiques sénégalaises pourraient laisser croire que le spectre terroriste plane sur cette république bordant l’Atlantique. « Tous les pays sont menacés », note d’emblée le président sénégalais, Macky Sall.
À la lumière des chiffres compilés par l’Armed Conflict Location & Event Data Project, l’Afrique a connu 4523 attaques terroristes en 2015. En Afrique de l’Ouest, à un jet de pierre des frontières sénégalaises, le Mali, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Libéria, le Burkina Faso, la Sierra Leone et la Mauritanie ont tous senti de près la poudre des explosions terroristes.
Pendant que le terrorisme essaime sa terreur en Afrique de l’Ouest, de nombreux facteurs de risque laissent croire que le Sénégal pourrait occuper désormais le centre de mire des terroristes. Ainsi, qu’ils s’appellent AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamiste), Al-Mourabitoune, Ansar Dine ou Boko Haram, ces groupes tirent largement parti du désordre régional, particulièrement depuis la chute du dictateur libyen Mouammar Kadhafi.
Dakar tente donc de prévenir les coups, décuplant les mesures de sécurité et les partenariats étrangers. Militaires postés sur les plages paradisiaques, à l’entrée des hôtels et autres lieux touristiques, limitation des droits individuels; le mot d’ordre est « vigilance ». À l’aune de nouveaux partenariats développés avec des pays étrangers, le Sénégal tente de décrocher l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête.
Partenaires occidentaux
Depuis quelques années, le Sénégal développe des liens privilégiés avec des pays occidentaux, ennemis jurés du djihadisme mondial, dont la France et, plus récemment, les États-Unis. L’Hexagone, par exemple, a déployé en 2011 des « éléments français au Sénégal » qui, selon le ministère de la Défense, disposent d’un « poste de commandement interarmé et d’escales navale et aéronautique ». En somme, 350 soldats français formés pour « le combat en zone semi-désertique ». Le 8 octobre 2016, le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, annonçait justement en direct de Dakar le renforcement de la coopération militaire entre les deux pays.
Le 2 mai dernier, le Sénégal paraphait également un accord militaire avec les États-Unis pour contrer « la menace terroriste ». Déjà fortement impliqué et bien positionné sur le terrain africain, Washington assurera désormais une présence militaire permanente en Afrique de l’Ouest. Si l’accord ne prévoit pas, pour l’heure, établir des bases militaires américaines, les G.I.’s pourront en retour utiliser au besoin des zones aéroportuaires et militaires sénégalaises. Pour le ministre des Affaires étrangères sénégalais, Mankeur Ndiaye, les Yankees seront positionnés pour « une durée indéterminée » et leur présence vise à faire face « à des difficultés communes en matière de sécurité dans la sous-région ».
Montée du wahhabite rigorisme
Au Sénégal, 95% de la population pratique un islam tolérant, pacifiste et ouvert sur le monde. Cela dit, un vent de wahhabisme rigoriste, soutenu entre autres par l’Arabie saoudite, souffle comme l’harmattan sur les pays du Sahel, dont le Sénégal. En 2015, les autorités sénégalaises procédaient justement à l’arrestation d’une trentaine d’imams, dont Ibrahim Seye, condamné en juin à un an de prison pour cause « d’apologie du terrorisme ».
Fier de ses 15 millions d’habitants, le Sénégal est tout de même l’un des vingt pays les plus pauvres de la planète. Année après année, le fossé des inégalités sociales se creuse davantage. Près de la moitié de la population est affectée par l’insécurité alimentaire qui ravage les forces vives du pays. Cette pauvreté serait-elle le véritable bouillon de culture de l’extrémisme religieux qui menace la population ? Le président sénégalais, lui, en est convaincu.