par Adis Simidzija, collaboration spéciale
Entre incertitude et colonialisme
Sur les 9150 personnes immigrées de la République démocratique du Congo (RDC) au Québec depuis les années 1980, plus de 80% sont arrivées entre 1996 et 2011. Venant d’un pays en crise politique perpétuelle, elles pourront, pour la première fois en novembre prochain, voter aux élections présidentielles de leur pays d’origine à partir de leur pays d’accueil.
En effet, la diaspora congolaise pourra faire valoir son droit de vote, une première depuis que le processus de démocratisation de la RDC a été entamé. Cette réforme, certes, plaît à la communauté internationale. Cela dit, l’implication omniprésente de ladite communauté internationale fait planer un nuage colonial au goût amer sur ce pays d’Afrique centrale.
l'ombre du colonialisme
En imposant des conditions à la RDC, la communauté internationale ne baigne-t-elle pas dans une forme de néocolonialisme dénoncé il y a plus de cinquante ans par les intellectuels ayant lutté pour la libération des pays sous emprise d’États européens? La question se pose, puisque c’est là un des enjeux de ces élections qui devraient se tenir, sans garantie, en novembre prochain.
D’un côté, la pression de la communauté internationale, de l’autre côté la fin du second mandat du président sortant Joseph Kabila, qui tente de modifier la Constitution afin de pouvoir se représenter pour un troisième mandat consécutif. Dans la nouvelle Constitution congolaise, érigée en 2006 alors que ce même Kabila fut porté au pouvoir, il est en effet stipulé qu’on ne peut pas cumuler plus de deux mandats présidentiels.
incertitudes électorales
Après une réélection contestée par la communauté internationale en 2011, Kabila n’aurait normalement plus le droit de se représenter. Ce président, qui ébranle la francophonie et que l’ancienne Première ministre du Québec, Pauline Marois, avait refusé de rencontrer lors du Sommet de la Francophonie en 2012, semble vouloir mettre en échec la présidentielle de 2016 afin de prolonger son mandat par défaut.
Voici donc que plane un nuage d’incertitude au-dessus des habitants de la RDC, dont la division régionale a imposé une nouvelle structure sociogéographique qui creuse davantage le clivage entre les parties riches et pauvres du pays. Cette mesure, depuis longtemps anticipée et voulue, mais seulement réalisée en juin 2015, pourrait mettre un obstacle logistique supplémentaire à la réalisation des élections.
Les élections présidentielles de 2016 risquent donc de n’avoir jamais lieu. Pour qu’elles puissent se produire, le président de l’Association africaine des droits de l’homme, Jean-Claude Katende, affirme que « le président Joseph Kabila est […] devenu le blocage en RDC » et réclame du même souffle son départ.
Pendant ce temps, l’ONG Human Right Watch demande la libération de militants de l’opposition qui s’allient de plus en plus pour contrer le président sortant. Notons que depuis un an, l’ONG dénonce la détention arbitraire de deux militants « soupçonnés » d’avoir organisé « un atelier de jeunes pro-démocratie en République démocratique du Congo. Fred Bauma et Yvez Makwambala font l’objet de fausses accusations dans le cadre d’une apparente campagne politique visant à faire taire toute voix dissidente ».
Devant cette impasse entre le paternalisme néocolonial de la communauté internationale et la volonté autoritaire d’un président assoiffé de pouvoir, la question se pose : la population congolaise et la diaspora congolaise à travers le monde pourront-elles faire valoir leur voix dans les urnes en novembre 2016 ?