Par Carolane Babnieau, collaboration spéciale
Jeux olympiques de Rio de Janeiro
« Un nouveau monde ». C’est avec ce slogan teinté d’optimisme que s’ouvriront les Jeux olympiques d’été 2016 dans la ville de Rio de Janeiro, la «cité merveilleuse ». Pourtant, le « nouveau monde » promis par les JO de Rio a un goût amer pour une partie de la population brésilienne qui, loin d’en profiter, en subira plutôt les contrecoups. Une réalité particulièrement probante dans les favelas, ces bidonvilles où s’entassent plus de six millions de personnes. Petit portrait de la face cachée des médailles olympiques estivales.
à l'ombre des favelas
L’indigence à Rio de Janeiro se concentre dans les favelas, ces bidonvilles où vit 20% des Cariocas (habitants de Rio de Janeiro). Seulement dans la périphérie immédiate de Rio, plus de 900 favelas pullulent, dont certaines sont renommées pour leur criminalité élevée et leur pauvreté non moins endémique. En 2013, 32% des Cariocas jonglait avec un salaire situé en-dessous du seuil de la pauvreté.
Symbole hautement médiatisé de cette pauvreté : le virus Zika. Selon Gilberto Kassab, ministre responsable des affaires municipales brésiliennes, il existe une corrélation étroite entre la présence du Zika et la situation déplorable du système sanitaire du pays.
nettoyage social
Ce n’est pas la première fois dans l’histoire olympienne que des gouvernements forcent leurs citoyens à lever l’ancre, faisant table rase de quartiers entiers pour construire des infrastructures sportives. Entre 1988 et 2008, les JO ont déplacé plus de 2 millions de personnes à travers le monde. Seulement à Rio, près de 20 000 personnes ont dû quitter leur foyer, parfois pour le meilleur, souvent pour le pire.
« À 10 heures du matin, rapporte un citoyen à l’ONG Amnistie internationale, il y avait des machines, des policiers, des forces antiémeutes lourdement armées. Ils ont commencé à vider les maisons. Si quelqu’un refusait de partir, ils prenaient le bulldozer et se mettaient à défoncer la porte. Les policiers entraient chez vous, vous obligeaient à sortir puis démolissaient ».
Jusqu’à maintenant, 4120 familles ont été expulsées de leurs pénates et 2486 autres sont toujours menacées d’expulsion. La relocalisation de la population, parfois à plus de 60 kilomètres de son lieu d’origine, a particulièrement touché les citoyens actifs et les jeunes. Plusieurs ont perdu leur emploi en raison de la distance qui les éloigne de leur lieu de travail, alors que des enfants peinent désormais à se rendre à l’école faute de moyen de transport adéquat.
Parmi les secteurs visés par ces déportations, le cas de la Vila Autódromo est probant. Jusqu'à présent, 83% des 700 familles a dû quitter la favela. De ce nombre, seulement 33 personnes ont reçu une indemnisation. À la fin de JO, ce secteur sera occupé par une route asphaltée et un vaste stationnement qui aura servi, l’espace de quelques jours, à garer la voiture des personnalités olympiques.
la sécurité d'abord
Pour « pacifier » la population lors de JO, les policiers et militaires brésiliens ont pris le contrôle de certaines favelas. En bout de piste, selon Amnistie internationale, plus de 3000 civils sont tombés sous leurs balles depuis 2013, soit une augmentation de 37% par rapport aux interventions habituelles. Toujours selon l’ONG, de «graves atteintes aux droits fondamentaux, dont des homicides perpétrés par la police et des actes de torture et autres mauvais traitements en détention, ont été signalées.»
En janvier dernier, la facture totale des JO de Rio était estimée à 13 milliards $. Dans un pays où plus de 30 millions de personnes gagnent moins de 2$ par jour, certains se questionnent sur la pertinence d’engloutir pareille somme pour perpétrer l’héritage du baron de Coubertin. D’autant plus que les cicatrices ne seront pas que sociales, elles seront également environnementales, dans une ville où la pollution monte quotidiennement sur la première marche du podium.