par jean-marc lord, la gazette de la mauricie, septembre 2015
Ouvrir nos bras aux réfugiés
Ce fut d’abord les drames humains vécus en Méditerranée sur des bateaux de fortune pleins à craquer de migrants fuyant un pays en proie au chaos et à la violence suite à l’intervention militaire en Lybie de puissances occidentales, dont le Canada, pour chasser le dictateur Kadhafi. Et puis ces dizaines de milliers de réfugiés qui, cherchant à échapper à une abominable guerre que se livrent un régime honni et des rébellions capables de crimes immondes, tentent désespérément de passer les frontières des pays d’Europe de l’Ouest. Un conflit horrible qu’on a laissé pourrir ou, pire, encouragé en sous-main en laissant les pétromonarchies du Golfe alimenter en armes et en argent une guerre civile qui n’en finit plus.
Une catastrophe humanitaire
L’été 2015 aura été marqué par une catastrophe humanitaire d’une ampleur exceptionnelle, celle des réfugiés et des migrants en quête de terres d’accueil pour survivre. La sensibilité démontrée en Europe comme au Québec et au Canada à l’égard de ces populations démunies témoigne de sentiments d’humanité et de solidarité qui nous honorent. Mais au-delà de la réaction immédiate de secours, il faudra bien tirer les leçons nécessaires pour éviter la reproduction de telles catastrophes humanitaires. Notamment faire le bilan des décisions politiques et des choix militaires que prennent en toute impunité les grandes puissances.
À défaut d’être en mesure de mettre en place les conditions permettant de retrouver une quelconque stabilité politique dans ces pays devenus exsangues, les pays occidentaux, et nous en sommes, se doivent de faire preuve de compassion à l’égard d’hommes, de femmes et d’enfants jetés sur les routes ou embarqués dans des rafiots de la mort. L’ouverture de nos frontières à un nombre accru de réfugiés, et l’accélération des procédures pour leur accueil constituent le minimum « décent » que l’on puisse faire dans les circonstances. Mais cela ne suffit pas…
Si nous sommes incapables ou n’avons pas la volonté de faire un bilan lucide et rigoureux de l’impact et des conséquences des décisions politiques prises et des actions militaires entreprises, tout l’émoi causé par cette catastrophe sans précédent n’aura été, au-delà de la réponse humanitaire du moment, qu’une occasion ratée de plus sur le chemin de la paix et du développement. Ici au Canada, nous attendons des partis politiques qu’ils prennent des engagements fermes visant à contribuer à la diminution des inégalités dans le monde, facteur plus que propice à la multiplication des guerres et des conflits de toutes sortes.
Qu’en est-il de « la responsabilité de protéger »? Ce concept, énoncé en 2001 pour la première fois dans le rapport d’une commission instituée par le Gouvernement canadien, puis adopté en 2005 par les Nations Unies, veut que la responsabilité de protéger une population passe à la communauté internationale lorsqu’un État ne peut ou ne veut le faire. Comment expliquer la frilosité à agir du gouvernement actuel face à la catastrophe humanitaire qui se déploie sous nos yeux, lui qui s’empresse d’associer le Canada à des opérations militaires menées précisément au nom de cette responsabilité à protéger?
La crise des réfugiés démontre une fois de plus que la recherche de la paix, de la démocratie et du progrès social exige un effort constant et incessant. Commençons dès maintenant en ouvrant nos bras et nos frontières aux victimes innocentes de conflits au sein desquels les pays occidentaux ont, qu’ils le reconnaissent ou non, une certaine forme de responsabilité.