par jean-marc lord, collaboration spéciale
Peine de mort en Arabie saoudite
Le 8 mars dernier, Abdallah Roueïli s’est fait trancher la tête dans la Ville de Tabouk, située au nord-ouest de l’Arabie saoudite. Condamné à mort pour trafic de drogue, selon un communiqué émis par le ministère de l’Intérieur, le jeune homme a été, peut-être sans le savoir, le 71e Saoudiens mis à mort depuis le début de l’année 2016. Une réalité devenue quasi quotidienne dans ce pays ultraconservateur et où la justice s’enracine dans une interprétation rigorisme de la loi islamique.
augmentation du nombre de condamnés
À la lumière des chiffres officiels, l’Arabie saoudite a enregistré une hausse de 76% de ses condamnations à mort depuis 2014. L’an dernier, 158 personnes, peut-être davantage, ont été exécutées, un nombre inégalé depuis un quart de siècle. Une progression qui a été vertement dénoncée dans le plus récent rapport publié par l’organisation Amnistie internationale.
« L’Arabie saoudite, l’Iran et le Pakistan ont fait exécuter un nombre impressionnant de condamnés à mort, à l’issue bien souvent de procès d’une iniquité flagrante. Ce massacre doit cesser », écrit Salil Shetty, secrétaire générale d’Amnistie internationale.
Dans l’enceinte du royaume wahhabite, les peines de mort sont légion. Si Abdallah Roueïli est décédé sous le tranchant du sabre, d’autres avant lui ont pavé la voie, que ce soit pour apostasie, homosexualité, vol, meurtre, blasphème, corruption, sorcellerie, adultère ou défiance vis-à-vis la famille royale. Lorsqu’ils ne sont pas décapités, les condamnés sont lapidés, crucifiés, voire passés par les armes d’un peloton d’exécution.
Depuis 25 ans, le nombre d’exécutions n’a jamais été aussi élevé dans le monde. Si l’Arabie saoudite enregistre l’augmentation la plus fulgurante, l’Iran (977 condamnations en 2015) et le Pakistan (320 condamnations en 2015) ne traînent pas loin derrière. À eux seuls, ces trois pays sont responsables de 89% des exécutions colligées sur la planète, nonobstant la Chine qui considère ces données comme un secret d’État. Ainsi, en 2015, 1634 personnes ont été exécutées urbi et orbi, une hausse de 50% par rapport à 2014.
« La hausse des exécutions que nous avons observée l’année dernière est profondément inquiétante. Le nombre des exécutions judiciaires en 2015 a été le plus élevé de ces 25 dernières années. En 2015, des États ont continué d’ôter la vie à des gens en nous faisant croire que nous serions plus en sécurité grâce à la peine de mort », se désole Mme Shetty, qui rejette du revers de la main cette approche punitive.
Le gouvernement canadien est au fait de la situation des droits de l’homme en Arabie saoudite. Le 8 avril dernier, il autorisait pourtant les licences d’exportation du plus lucratif contrat outremer du Canada avec l’Arabie saoudite, soit près de 15 milliards $ pour la construction de véhicules blindés légers. Dans le mémorandum gouvernemental, classé « secret » et paraphé par le Ministre des Affaires étrangères du Canada, Stéphane Dion, le gouvernement indique que « le Canada, comme d’autres pays de la communauté internationale, reste préoccupé par les droits de l’homme en Arabie saoudite, y compris le nombre élevé d’exécutions signalées. » Si le ministre Dion se dit bien conscient du piètre bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits de l’homme, il ajoute du même souffle que rien n’indique, pour l’heure, que les véhicules blindés légers participeront à noircir davantage le portrait.
Déjà en janvier dernier, le ministre Dion réprouvait les 47 exécutions, effectuées en moins de 24 heures, d’opposants au régime en place. Dans un communiqué, M. Dion signalait son désir que l’Arabie saoudite « protège les droits de la personne, respecte l’expression pacifique de la dissidence et garantisse un traitement équitable en matière judiciaire. » Certes, Abdallah Roueïli n’en aurait pas espéré moins.