par claude lacaille, collaboration spéciale
Le 3 mars dernier, Berta Cáceres, militante écologiste hondurienne et récipiendaire 2015 du prix Goldman pour l’environnement, est abattue par balles dans son lit. Femme reconnue pour son franc-parler, elle avait cofondé en 1993 le Conseil national des organisations indigènes et populaires du Honduras (COPINH). Cet assassinat rappelle qu’on ne badine pas avec les multinationales en Amérique du Sud.
Depuis des années, Mme Cáceres était la cible de campagnes d’intimidation, de harcèlement et de menaces de mort, autant d’appels de semonce qui visaient à lui faire abandonner sa défense des droits et des territoires de sa nation Lenca. En 2009, la Commission interaméricaine des droits de l’homme la plaçait même sur sa liste des personnes menacées. Trop peu, trop tard. Le 3 mars, Mme Cáceres fut la cinquième membre du COPINH à être tué depuis le début de l’année au Honduras.
Berta Cáceres dirigeait une mobilisation populaire nationale et internationale qui s’opposait à l’érection du barrage d’Agua Zarca sur la rivière Gualcarque par la compagnie hondurienne Desarrollos Energéticos SA. La construction avait été entreprise sans consultation avec la nation Lenca, en violation du droit international des peuples autochtones. COPINH porta donc cette cause jusqu’aux bancs de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, demandant du même souffle à la Banque mondiale de se retirer du projet. Ce qu’elle fit en 2013, suspendant ainsi temporairement la construction du barrage.
Ces barrages hydroélectriques, conditions sine qua non à l’installation de compagnies extractives, inondent de vastes portions de terres déjà habitées par des paysans, autochtones ou non. Les réactions à pareilles invasions sont fortes, car le déplacement forcé de milliers de villageois et la destruction des maisons au bulldozer ne se fait pas sans violence.
Gustavo Castro est le seul témoin visuel de l’assassinat de Berta Cáceres. L’écologiste mexicain se trouvait alors dans la maison et fut lui-même la cible de tirs. À son avis, « l’un des négoces les plus profitables en ce moment est la vente d’énergie électrique, particulièrement en Amérique latine, à cause des accords de libre-échange qui ouvrent la porte à d’immenses investissements de compagnies multinationales. Et qu’est-ce que cela veut dire? Par exemple, les accords de libre-échange permettent à de grands investisseurs de construire des usines, des parcs industriels, des infrastructures, des mines, toutes entreprises qui consomment beaucoup d’électricité et des tonnes d’eau. […] Cela implique de disputer un territoire où vivent des paysans et des communautés autochtones. »
Faisant fi du climat de répression et d’impunité qui régnait alors au Honduras, le gouvernement canadien a ratifié un traité de libre-échange avec ce pays en 2014 et a prêté son assistance technique à la révision d’un code minier qui affaiblissait davantage les règles environnementales. Notons par ailleurs que plus de la moitié des mines en Amérique latine appartiennent à des compagnies canadiennes. Or, pour l’heure, les lois canadiennes n’encadrent pas la responsabilité éthique de ses compagnies extractives à l’étranger.
En 2009, le, député libéral de Scarborough-Guildwood, John McKay, présentait le projet de loi privé C-300 sur la responsabilité sociale des compagnies canadiennes à l’étranger. Ce projet fut défait en 2010, 140 députés ayant voté contre, 134 ayant voté pour. Lors de sa réélection en 2015, le député Mc Kay a réitéré son désir de revenir à la charge.
D’ici là, que Berta Cáceres ait perdu la vie à cause de son militantisme écologique ou non, les compagnies minières et autres industriels qui lorgnent sur les territoires autochtones du Honduras viennent de perdre leur plus fervente opposante.