par claude lacaille, collaboration spéciale
En novembre 2015, le pape François visitait la République centrafricaine, un pays déchiré par des rivalités politiques où des miliciens chrétiens et musulmans s’affrontent. Il lançait un appel «à ne pas confondre la religion et un conflit où la religion sert de prétexte à des intérêts particuliers.»
facteurs de conflits redondants
Enclavée au cœur du continent africain, la République Centrafricaine est un peu plus vaste que la France. Avec son climat tropical et ses nombreux cours d’eau, on y pratique presque partout l’agriculture, qui représente 55% de son PIB. Au sud, de grandes forêts équatoriales attirent la convoitise des compagnies européennes pour l’exportation du bois d’œuvre. Le sous-sol du pays est riche en or, en uranium, en pétrole et surtout en diamants.
En 2012, des groupes du nord du pays, une région que le gouvernement n’a jamais réussi vraiment à contrôler, forment une alliance (Séléka en langue sango) contre le président FrançoisBozizé et s’emparent de la capitale, Bangui, en mars 2013. Michel Djotodia assume la présidence pour une transition de trois ans, mais ne réussit pas à s’imposer à ces groupes constitués de brigands, de mercenaires étrangers et de voleurs de grands chemins qui se livrent à des massacres, brûlant les villages et tuant les paysans. La France décide alors d’intervenir militairement. Des groupes d’autodéfense des partisans de Bozizé s’organisent sous le nom d’«anti-balaka», pour venger les massacres de la Séléka. Le conflit prend alors une tournure confessionnelle, les rebelles du nord étant en majorité musulmans alors que 80% du pays est de confession chrétienne. Selon l’ONU, des 4,6 millions d’habitants du pays, la moitié serait présentement en situation d’assistance humanitaire. En janvier 2014, l’État s’effondre, le président Djotodia démissionne et il est remplacé transitoirement par Catherine Samba-Panza.
Les frontières de ce pays enclavé échappent au contrôle du gouvernement de Bangui. La frontière du nord sert de refuge aux rebelles du Tchad; à l’est se trouvent des insurgés du Darfour et au sud, des groupes armés du Congo. Au sud-est, opère l’Armée de libération du Seigneur de l’Ouganda.
Les intérêts extérieurs ne sont pas du tout étrangers à ce conflit. La France, puissance coloniale, a vu ses parts de marché dans ce pays réduites par l’ouverture à la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Brésil, etc. en ce qui concerne le pétrole, les mines, les projets d’infrastructures, les télécommunications, les diamants, etc. C’est pourquoi la «mère-patrie» a laissé tomber Bozizé.
L’ONG Global Witnessdemande à l’Union européenne de couper ses subventions et ses liens avec les compagnies forestières étrangères, lesquelles constituent une source d’instabilité et un obstacle à la pacification. Selon l’ONG, en 2013, des compagnies européennes ont payé 3,4 millions d’euros aux rebelles de Séléka pour pouvoir continuer à réaliser des coupes illégales.
Des élections présidentielles sont présentement en cours et le premier tour s’est réalisé dans le calme et sans violences. Lors de la visite du pape, les médias nous ont montré une population exaspérée par les luttes politiques et la corruption des élites, qui demande à reprendre le contrôle de ses richesses. Espérons qu’un gouvernement élu démocratiquement puisse ramener la paix et l’unité dans ce pays ainsi que sa souveraineté économique.